Etude "FOURIER" : L’évolocumab + une statine réduit les risques des événements vasculaires de 15% !
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Washington, Etats- Unis – C’est fait : la première étude de morbi-mortalité avec un représentant de la nouvelle classe d’hypolipémiant, anti-PCSK9, vient de livrer ses résultats au congrès de l’American College of Cardiology 2017 [1]. Et, ils sont…positifs. Secret de polichinelle car la firme Amgen qui commercialise l’evolocumab avait déjà annoncé en février que le critère primaire de l’étude été atteint mais les résultats de l’essai FOURIER n’en sont pas moins très instructifs.

L’anticorps anti-protéine convertase subtilisine/ketine type 9 (PCSK9) evolocumab (Repatha®, Amgen), administré en complément d’une statine, abaisse le risque d’événements vasculaires de 15% comparativement aux patients sous statine, après 48 semaines de traitement, soit une différence absolue de 1,5%.

Les résultats de FOURIER sont publiés dans le New England Journal of Medicine[2].

Réduction de 15% des événements vasculaires

Pour le principal investigateur de l’étude, le Dr Marc Sabatine (Brigham and Women’s Hospital and Harward Medical school, Boston) qui présentait les résultats, « ces chiffres de 15% et 1,5% ne sont probablement pas définitifs car le suivi médian n’est que de 2,2 ans. Les courbes des critères primaire et secondaire commencent à diverger à 1 an et la différence se maintient dans le temps. Dans tous les essais avec les statines, nous avons constaté qu’il faut du temps pour que la baisse du LDL cholestérol se traduise en baisse des événements vasculaires. »

 
Une valeur du cholestérol-LDL qui s’approche de celle d’un nouveau-né --Dr Richard Chazal
 

Dans FOURIER, le LDL cholestérol des participants des groupes actifs à l’issue de l’étude est de 0,30 mg/dL, un chiffre extrêmement bas et qui se maintient. « Une valeur du cholestérol-LDL qui s’approche de celle d’un nouveau-né » a commenté le Dr Richard Chazal (Heart and Vascular Institute for Lee Health System, Fort Myers, Floride), président de l’ACC.

A l’entrée dans l’étude, le LDL médian est de 0,92 mg/dL (baisse de 59%). Il est précisé que l’effet préventif de l’evolocumab est observé quel que soit le niveau de cholestérol à l’inclusion (d’un LDL à 126 mg/dL à LDL à 0,74 mg/dL).

Dans un commentaire à nos confrères de Medscape, le président de l’ACC a dit que « la masse de données considérable que fournit l’essai FOURIER conforte l’hypothèse du bénéfice de la baisse du cholestérol. » C’est aussi l’avis du Dr Steven Nissen (Cleveland Clinic) qui va jusqu’à anticiper une modification des recommandations. Pour lui, c’est la réduction de 20% des événements cliniques du critère secondaire (qui laissent des séquelles) qui témoigne le plus du bénéfice de l’abaissement du cholestérol « jusqu’à des seuils encore jamais atteints ».

Mais est-ce suffisant pour justifier le surcoût conséquent d’un tel traitement ? demande D Brauser de Medscape. Aux Etats-Unis, où l’evolocumab est approuvé depuis 2015, le prix des anti-PCSK9 fait l’objet d’une controverse (14 000 USD/an pour l’evolocumab) 

« Je ne peux pas répondre à cette question. Tous les participants du congrès devraient se poser la question du coût tolérable pour obtenir un bénéfice clinique. »

FOURIER, une étude gigantesque

FOURIER est une étude multinationale (49 pays, 1242 sites), randomisée, en double aveugle.

Elle porte sur 27.764 sujets avec une maladie athéromateuse prouvée (antécédent d’IDM, d’AVC, AOMI), âgés de 40 à 85 ans (75% d’hommes) et déjà sous statine. Elle comporte deux groupes « actifs » recevant des doses différentes d’anti-PCSK9 : 140 mg d’evolocumab (en sous-cutané) une semaine sur deux ou 420 mg tous les mois et un groupe placebo.

Près de 70% des sujets de l’étude avait déjà un traitement intensif par statine : 40/80 mg d’atorvastatine ou 20/40 mg de rosuvastatine. Un peu plus de 5% prenait également de l’ézétimibe.

Le critère de jugement primaire est un critère composite qui inclut les infarctus du myocarde (IDM), les AVC, les décès cardiovasculaires, les revascularisations coronaires et les hospitalisations pour angor instable. Le critère secondaire porte sur les infarctus, AVC et les décès cardiovasculaires.

Le critère primaire est survenu chez 9,8% des sujets sous anti-PCSK9 versus 11,3% de ceux sous placebo (p<0,001). Le critère secondaire a été noté chez 5,9 vs 7,4% (p<0,001). Au total, le traitement a réduit le risque d’IDM de 27%, d’AVC de 21% et du besoin de revascularisation coronaire de 22%. Mais il n’y a pas de différence significative entre les groupes portant sur les décès cardiovasculaires et les décès de toutes causes.

 
Au total, le traitement a réduit le risque d’IDM de 27%, d’AVC de 21% et du besoin de revascularisation coronaire de 22%.
 

La question de la tolérance

En termes de tolérance, les investigateurs annoncent qu’il n’y a pas de différence significative entre les 3 groupes en matière d’événements indésirables incluant les nouveaux cas de diabète et les événements neurocognitifs. La seule différence notoire porte sur les réactions au site d’injection (2,1% vs 1,6%) qui restent peu fréquentes.

Interrogée par Medscape sur la sécurité d’un traitement abaissant aussi drastiquement le LDL cholestérol, le Dr Roxanna Mehran (Mont Sinaï hospital, New York) a répondu que « n’importe quel traitement pris de façon prolongé, voire à vie, doit faire la preuve de son innocuité. Mais je ne suis pas très soucieuse concernant le LDL car ces résultats montrent à quel point la baisse du LDL améliore le pronostic. Va-t-on observer une courbe en J en dessous d’un certain seuil ou après un certain temps ? Je ne l’ai encore jamais constaté mais il faut rester vigilant. »

Il est précisé que 0,3% des patients ont développé des anticorps mais qu’aucun n’a présenté d’anticorps neutralisant.

Et après ?

« Ces résultats montrent que des patients avec une maladie athéromateuse peuvent bénéficier d’une baisse du cholestérol au-delà des recommandations actuelles » avancent les investigateurs, tout en ajoutant que le suivi de 2,2 ans est un facteur limitant. « Pour 6000 patients de l’étude FOURIER, il est prévu un suivi prolongé en ouvert qui permettra de valider la sécurité » a précisé le Dr Sabatine.

 

Dans un éditorial accompagnant la publication dans le NEJM, le Dr Robert Dullaart (Groningen, Pays-Bas) reconnait que FOURIER est une étude cruciale mais qui souffre d’un suivi limité [3]. « Il reste à savoir quel serait le bénéfice d’une inhibition PCSK9 immédiatement après un infarctus et dans d’autres populations de sujets à risque ». Cependant, « les résultats de FOURIER sont à même d’impacter les recommandations internationales » mais « ils questionnent aussi les cliniciens sur le recours à ces nouveaux traitements très coûteux ».

Le Dr R Mehran a, elle, estimé que » si la réduction du risque (en valeur absolue) est faible à l’échelle de la population de l’étude FOURIER, il y certainement des patients pour lesquels le gain clinique justifierait le traitement. Espérons que des analyses complémentaires de l’étude permettront de le préciser ».

 


L’étude est sponsorisée par Amgen. 

Le Dr Sabatine a déclaré avoir reçu des honoraires ou des bourses de recherche de Abbott, Critical Diagnostics, Daiichi-Sankyo, Eisai, GlaxoSmithKline, Roche Diagnostics, Takeda, Gilead, Poxel, Novartis, Janssen et Genzyme; Amgen, AstraZeneca, Intarcia, Merck, MedImmune; CVS Caremark, Alnylam, Ionis, Cubist, Esperion, the Medicines Company, MyoKardia, et Zeus Scientific. 

Les conflits d’intérêt des auteurs sont listés dans la publication du NEJM. 

Dullaart a déclaré des liens d’intérêt avec Eli Lilly. 

Chazal n’a pas de liens d’intérêt. 

Nissen a participé à d’autres études avec l’evolocumab (mais pas FOURIER). 

Mehran a listé des liens d’intérêt avec Abbott Vascular Research, AstraZeneca, AUM Cardiovascular, Bayer Healthcare Pharmaceuticals, Beth Israel Deaconess Medical Center, Bristol-Myers Squibb, CSL Behring, Medtronic, Novartis Pharmaceuticals, OrbusNeich, the Medicines Company, Watermark Research Partners; AstraZeneca, Boston Scientific, Cardiovascular Systems, Medscape, Merck, Shaghai BraccoSine Pharmaceutical.

 

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