Dublin, Irlande—Les anticoagulants oraux directs (AOD) pourraient-ils avoir un intérêt supérieur aux antiplaquettaires après TAVI ? C’est à cette question que devait répondre l’essai multicentrique de phase 3 Galileo qui a été arrêté prématurément en raison des résultats délétères observés chez les patients recevant le rivaroxaban.
Dans une lettre aux professionnels de santé[1], datée du 3 octobre, le laboratoire Bayer explique que le comité de sécurité indépendant de l’essai a recommandé l’interruption de l’essai en août dernier en raison de résultats préliminaires montrant une augmentation de la mortalité toutes-causes, des événements thromboemboliques et des saignements dans le bras rivaroxaban par rapport au bras clopidogrel.
L’essai Galileo
Dans l’essai Galileo, après un remplacement percutané de valve aortique réussi, plus de 1600 participants ont été randomisés pour recevoir, en ouvert, soit du rivaroxaban 10mg/j et de l’acide acétylsalycilique (aspirine) 75-100 mg/j pendant 90 jours suivi d’un traitement de maintenance par 10 mg/j de rivaroxaban soit, dans le groupe comparateur, 75 mg de clopidogrel et 75-100 mg d’aspirine pendant 90 jours suivi d’aspirine seule.
Le critère primaire d’efficacité regroupait les événements suivant : mortalité toutes causes, AVC, embolie systémique, IDM, embolie pulmonaire, thrombose veineuse profonde et thrombose de valve symptomatique.
Le critère primaire de sécurité portait sur les saignements engageant le pronostic vital ou invalidants (BARC 5 et 3b/3c) et les saignements majeurs (BARC 3a). Les patients avec une fibrillation atriale ont été exclus de l’étude.
Il est ressorti des résultats préliminaires recueillis cet été que l’incidence des décès ou événements thromboemboliques était de 11,4 % dans le groupe rivaroxaban versus 8,8% dans le bras clopidogrel. L’incidence de la mortalité toutes-causes était de 6,8% versus 3,3 % respectivement et celle des saignements de 4,2 % versus 2,4 %.
« Le rivaroxaban n’est pas approuvé en thromboprophylaxie des patients recevant des prothèses de valves cardiaques, notamment chez les patients après un remplacement valvulaire aortique percutané. Il ne devrait pas être utilisé chez ces patients », conclut le laboratoire qui indique aussi que « les résultats définitifs de l’étude seront analysés par les autorités de régulation dès qu’elles seront disponibles, avec notamment une évaluation de toutes les implications possibles pour les indications déjà autorisées ».
Pour le Pr Collet, il faut nuancer les résultats
Pour le Pr Jean-Philippe Collet, l’augmentation de la mortalité toutes-causes associée au rivaroxaban est probablement essentiellement liée aux saignements, alors qu’il est probable qu’il y ait une tendance favorable sur les événements thromboemboliques (0,4% dans le bras AOD vs 3,2% avec l’antiplaquettaire). « Mais, ce bénéfice est gommé par les complications hémorragiques majeures et notamment les décès liés à ces complications hémorragiques majeures ».
« L’explication est probablement que l’association du rivaroxaban avec un antiagrégant plaquettaire est un régime antithrombotique trop puissant. Pour moi, cette étude ne remet donc pas en question stricto sensu l’indication des NACO dans les bioprothèses puisqu’on voit bien qu’ils préviennent bien les événements thromboemboliques », souligne t-il.
Les prochains résultats des études ATLANTIS comparant l’apixaban seul à un AVK ou un antiplaquettaire en post-TAVI ou ENVISAGE-TAVI AF avec l’edoxaban seul permettront de savoir si un régime antithrombotique moins puissant donne, en effet, des résultats positifs, souligne le cardiologue.
Pour moi, cette étude ne remet pas en question stricto sensu l’indication des NACO dans les bioprothèses Pr JF Collet
Le Pr JP Collet déclare les relations financières suivantes: Subventions pour la recherche clinique ou honoraires de consultant/conférencier d’AstraZeneca, Bayer, Bristol-Myers Squibb, Daiichi-Sankyo, Eli-Lilly, Fédération Française de Cardiologie, Lead-Up, Medtronic, MSD, Sanofi-Aventis, WebMD. Son équipe participe à l’essai ATLANTIS.