L’éjaculation précoce ou prématurée est, avec la dysfonction érectile (= problèmes d'érection), le trouble de la sexualité masculine le plus fréquent. Ses causes sont variées : elles peuvent être psychologiques, comportementales, neurobiologiques ou génétiques.
Si les définitions varient selon les pays et les sociétés médicales, elles s’accordent toutes sur trois points. L’éjaculation précoce se traduit par :
- une éjaculation qui survient trop rapidement, avant que l'homme ou sa partenaire ne le souhaitent et ce, systématiquement ou très souvent;
- une incapacité à « retenir » ou à contrôler l’éjaculation ;
- des répercussions psychologiques négatives.
Il faut toutefois souligner que l’éjaculation précoce, lors des premiers rapports sexuels ou d’une nouvelle relation, est normale. Elle ne devient problématique que si elle persiste et qu’elle constitue une gêne réelle.
On distingue :
- l’éjaculation précoce primaire qui est présente à chaque rapport, avec des partenaires différentes, durant toute la vie.
- l’éjaculation précoce secondaire ou acquise qui apparaît alors qu’elle n’était pas présente lors des précédents rapports sexuels. Elle est généralement associée à une maladie sous-jacente comme une prostatite, un trouble érectile ou neurologique, ou à un problème psychologique.
Qui est touché par l'éjaculation précoce ?
Selon de nombreuses études, l’éjaculation précoce concernerait 20 à 30% des hommes1.
Il est toutefois difficile d’obtenir des chiffres précis, d’autant que la définition diagnostique est longtemps restée vague. Par ailleurs, très peu d’hommes se considérant comme atteints par ce trouble consultent un médecin pour cette raison.
Selon l’ISSM (Société Internationale de Médecine Sexuelle), la prévalence de l'éjaculation précoce varierait entre 3 et 30% en fonction des études.
Causes de l'éjaculation précoce
On sait maintenant que l’éjaculation précoce, qui a longtemps été considérée comme un trouble purement psychologique, est aussi liée à des troubles neurobiologiques et/ou à une susceptibilité génétique.
Les causes exactes sont toutefois inconnues.
Plusieurs facteurs biologiques pourraient favoriser ce trouble, notamment2 :
- une hypersensibilité du gland,
- une hyper-excitabilité du réflexe d’éjaculation,
- des troubles de la transmission des messages nerveux dans le cerveau ou une hypersensibilité de certains récepteurs nerveux (notamment les récepteurs à la sérotonine),
- une inflammation de la prostate (prostatite chronique),
- des anomalies de la glande thyroïde (hyperthyroïdie),
- une maladie neurologique, comme la sclérose en plaques.
Aucune étude à grande échelle n’a pour l’instant mis en évidence de façon claire le rôle de l’une ou l’autre de ces causes neurobiologiques.
Il apparaît évident que certains facteurs psychologiques et environnementaux ont également un rôle à jouer.
Évolution et complications possibles
L’éjaculation précoce n’est pas une maladie en soi. C’est un trouble qui ne devient problématique que s’il est une source de gêne, d’inconfort ou de détresse pour la personne qui s’en plaint ou pour sa partenaire.
Ainsi, les conséquences psychologiques de l’éjaculation précoce peuvent être très négatives, pour le sujet comme pour le couple. Les hommes qui en souffrent peuvent développer des symptômes de dépression, d’anxiété, voire se replier sur eux-mêmes en évitant toute relation amoureuse ou sexuelle.
C’est pourquoi il est important d’en parler, d’autant que des solutions existent, qu’elles soient médicales ou non.
Les symptômes de l'éjaculation précoce, les personnes à risque et les facteurs de risque
Symptômes
En 2009, la Société Internationale de Médecine Sexuelle (ISSM) a publié des recommandations pour le diagnostic et le traitement de l’éjaculation précoce2.
Selon ces recommandations, l'éjaculation précoce a pour symptômes :
- l’éjaculation survient toujours ou presque toujours avant la pénétration intravaginale ou dans la minute qui suit la pénétration
- il existe une incapacité à retarder l’éjaculation lors de chaque ou presque chaque pénétration vaginale
- cette situation entraîne des conséquences négatives, telles qu’une détresse, une frustration, une gêne et/ou un évitement des relations sexuelles.
Selon l’ISSM, il n’existe pas suffisamment de données scientifiques permettant d’étendre cette définition aux rapports sexuels non hétérosexuels ou aux rapports sans pénétration vaginale.
Plusieurs études montrent que parmi les hommes souffrant d’éjaculation précoce permanente :
- 90 % éjaculent en moins de une minute (et 30 à 40% en moins de 15 secondes),
- 10 % éjaculent entre une et trois minutes après la pénétration.
Enfin, selon l’ISSM, 5% de ces hommes éjaculent involontairement avant même la pénétration.
Personnes à risque
Les facteurs de risque de l’éjaculation précoce ne sont pas bien connus.
Contrairement à la dysfonction érectile, l’éjaculation précoce n’augmente pas avec l’âge. Au contraire, elle a tendance à diminuer avec le temps et l’expérience. Elle est plus fréquente chez les hommes jeunes et au début d’une relation avec une nouvelle partenaire.Facteurs de risque
Plusieurs facteurs peuvent favoriser l’éjaculation prématurée :
- l’anxiété (notamment l’anxiété de performance),
- le fait d’avoir une nouvelle partenaire,
- une activité sexuelle faible (peu fréquente),
- le sevrage ou l’abus de certains médicaments ou drogues (notamment les opiacés, les amphétamines, les médicaments dopaminergiques, etc…),
- l’abus d’alcool.
Prévention et traitements médicaux de l'éjaculation précoce
Peut-on prévenir l'éjaculation précoce ?
Bien souvent, lorsque l'éjaculation précoce est passagère ou peu importante, le traitement repose en premier lieu sur des conseils psychosexuels. Ainsi, plusieurs mesures ou techniques peuvent aider à retarder le moment de l’éjaculation, notamment3 :
- amener la partenaire à stimuler le pénis jusqu’à ce que l’éjaculation soit imminente, puis marquer une pause pour faire retomber l’excitation avant de poursuivre
- exercer une pression manuelle à la base du gland pendant le rapport (« squeeze »), lorsque les signes de l’éjaculation se font sentir. Il est conseillé de presser le gland entre pouce et index (le pouce placé sur le frein) pendant 2 ou 3 secondes de sorte à arrêter le réflexe d’éjaculation.
Ces « exercices » doivent être répétés plusieurs fois afin de parvenir à tenir une vingtaine de minutes sans éjaculer. Petit à petit, ils permettront de mieux contrôler l’éjaculation.
Traitements médicaux de l'éjaculation précoce
Les recommandations2 récentes de la Société internationale de médecine sexuelle prônent une prise en charge combinée associant, si besoin :
- un traitement pharmacologique
- une intervention psychosexuelle.
Traitement pharmacologique de l'éjaculation précoce
L’arrivée sur le marché européen en 2013 du premier médicament destiné à traiter spécifiquement l’éjaculation précoce, la dapoxétine, a changé la prise en charge de ce trouble4.
La dapoxétine fait partie de la classe des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (IRSS). Elle est commercialisée sous le nom de Priligy® pour le traitement de l’éjaculation précoce chez les hommes de 18 à 64 ans, depuis la fin du mois de mars 2013 en France comme dans 25 pays
En Amérique du Nord, la dapoxétine n’a pas encore été approuvée.
La dapoxétine n’est pas considérée comme un antidépresseur car elle est très vite éliminée par l’organisme : il n’y a plus aucune trace du médicament dans le sang une vingtaine d’heures après la prise.
Ainsi, elle agit rapidement (une ou deux heures après la prise). Elle permet, selon les études cliniques, de multiplier par 3 environ le délai entre la pénétration et l’éjaculation, au bout d’une période de traitement de douze semaines. Notons toutefois que la prise d’un comprimé placebo a permis également, selon ces essais, d’augmenter ce délai d’un facteur 1,5 à 26-8.En France, la dapoxétine existe en deux dosages (30 et 60 mg), sous forme de comprimé à prendre à la demande, 1 à 3 heures avant l’activité sexuelle.
Le traitement est délivré sur prescription médicale et n'est pas pris en charge par l'Assurance maladie. Les effets indésirables les plus fréquents sont des nausées, des maux de tête, une diarrhée et des étourdissements.
Remarque : On savait depuis longtemps que les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine, qui sont une classe d’antidépresseurs très utilisée, ont pour effet de retarder l’éjaculation. Jusqu’à la mise sur le marché de la dapoxétine (et probablement encore aujourd’hui, surtout là où la dapoxétine n’est pas disponible), les divers médicaments de cette classe sont souvent prescrits aux hommes souffrant d’éjaculation précoce, mais hors AMM (autorisation de mise sur le marché), c’est-à-dire dans un contexte différent de celui recommandé par le fabricant et les autorités de santé.
Les IRSS autres que la dapoxétine (la paroxetine, la clomipramine, la sertraline et la fluoxetine notamment) sont tous relativement efficaces contre l’éjaculation précoce.
Enfin, d’autres molécules, comme les inhibiteurs de la phosphodiestérase 5 (IPDE5), utilisés dans le traitement de la dysfonction érectile, peuvent avoir une certaine efficacité dans le traitement de l’éjaculation précoce.Traitement local de l'éjaculation précoce
Très utilisée, en dehors des autorisations officielles de prescription, l’application d’un anesthésique local sur le gland permet de retarder l’éjaculation en « insensibilisant » le pénis4.
Les produits utilisés sont généralement à base de lidocaïne, en gel ou spray. Pour éviter d’insensibiliser la partenaire, l’anesthésiant peut être appliqué une vingtaine de minutes puis éliminé par lavage à l’eau avant le rapport. En 2010, un spray associant lidocaïne et prilocaïne, à appliquer 5 minutes avant le rapport sexuel, a montré une bonne efficacité pour retarder l’éjaculation. Il pourrait être commercialisé sous peu9.
Prise en charge psychosexuelle
Un suivi en sexothérapie ou psychothérapie est également conseillé, surtout lorsque les conséquences psychologiques de l’éjaculation précoce sont importantes, qu’il existe une forte anxiété de performance ou un problème de couple.
L’Association française d’urologie10 conseille une thérapie comportementale qui consiste à pratiquer une activité sexuelle volontairement interrompue, « avant la survenue de l’anxiété de résultat ». Après plusieurs semaines, il devient plus facile de ressentir l’arrivée à un point de non retour avant l’éjaculation, ce qui permet un meilleur contrôle.
L’efficacité de ces mesures est toutefois imprévisible.
Références
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Bibliographie
Mayo Foundation for Medical Education and Research (Ed). Diseases & Condition – Premature ejaculation, MayoClinic.com. [Consulté le 6 septembre 2013]. www.mayoclinic.com
Natural Standard (Ed). Sexual dysfontion. Nature Medicine Quality Standards. [Consulté le 6 septembre 2013]. www.naturalstandard.com
Ejaculation précoce : traitement médicamenteux ou approche sexologique ? M. Wisard, N. Audette, Rev Med Suisse 2008;4:780-784.
International Society for Sexual Medicine's guidelines for the diagnosis and treatment of premature ejaculation. Althof SE, Abdo CH, Dean J, et al; International Society for Sexual Medicine. J Sex Med. 2010 Sep;7(9):2947-69. Review.
Guidelines on Male Sexual Dysfunction: Erectile Dysfunction andPremature Ejaculation. K. Hatzimouratidis, E. Amar, et al. 2010 European Association of Urology.