La clinophilie
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La clinophilie

Publié par topclinique topclinique   | Il ya 6 ans   | 7287

La clinophilie désigne le fait de vouloir rester toujours dans son lit, ou par extension, de rester chez soi et de ne plus vouloir, ou ne plus pouvoir sortir. Il ne s'agit pas d'une maladie en tant que telle, elle est davantage le symptôme de multiples pathologies psychiatriques. La situation dans lequel le patient ne peut plus du tout sortir de son lit reste un cas extrême. Les traitements consistent à soigner la pathologie concernée : dépression, psychose ou trouble anxieux. Les psychothérapies s'avèrent aussi très efficaces, notamment les thérapies comportementales cognitives, dites TCC, ou les thérapies interpersonnelles (TIP).

La clinophilie, qu'est-ce que c'est ?

Définition de la clinophilie

La clinophilie signifie, étymologiquement "le fait d'aimer rester allongé". Il s'agit, de fait, d'une tendance à vouloir toujours être dans son lit, et par extension, d'une tendance à vouloir rester chez soi. "La situation où l'on ne peut plus sortir de son lit reste un cas extrême, qui était plus fréquent par le passé, quand les gens hésitaient davantage à se rendre chez un psychiatre", explique le docteur Nicolas Neveux, psychiatre-psychothérapeute à Paris.

De fait, la clinophilie désigne aujourd'hui davantage le fait de vouloir rester dans le lieu qui est le plus sûr, donc chez soi. "Nous sommes des mammifères, soit des animaux dépourvus de carapace, comme en ont les tortues… Nous avons donc besoin de nous retrouver dans notre caverne", résume de façon imagée le docteur Neveux. 

La clinophilie n'est pas une pathologie en soi : elle est le symptôme de plusieurs pathologies psychiatriques.

Causes de la clinophilie

Lorsqu'une personne ne va pas bien, elle va avoir tendance à se replier dans le lieu qui la sécurise le plus. Elle va alors être tentée de rester chez elle, voire dans son lit : un lieu où elle se trouve bien, en sécurité. Un endroit où elle est rassurée.

La clinophilie est un symptôme très peu spécifique d'une pathologie, qui peut se retrouver dans plusieurs maladies psychiatriques.

  • Symptôme quasi constant dans la dépression, la clinophilie est alors liée à un manque d'élan vital, qui empêche de faire des choses, et de sortir de chez soi.
  • La clinophilie peut aussi être causée par les psychoses, notamment la schizophrénie ou les psychoses paranoïaques. Là, le fait de vouloir rester allongé est lié à un élément délirant. Par exemple, dans la psychose paranoïaque, le patient se sent persécuté, il a peur de sortir à l'extérieur, où il croit qu'il sera en danger : sa clinophilie est alors due à sa pensée délirante, et non ici à un manque d'élan vital. Autre exemple : le syndrome dissociatif qui caractérise la personne schizophrène va faire qu'elle se trouve totalement inhibée. En situation d'apragmatisme, elle va être incapable de passer à l'acte et de faire quelque chose dans le concret.
  • Les patients atteints de troubles anxieux peuvent aussi être atteints du symptôme de clinophilie. Ainsi, les personnes agoraphobes auront du mal à sortir de chez elles, à cause de leur phobie. De même, des personnes ayant une phobie des chiens vont vouloir rester chez elles, par peur d'en croiser un dans la rue. Chez ces personnes, la clinophilie a là encore des raisons différentes : ces patients ont assez d'énergie pour sortir, ils sont également pleinement conscients et non délirants, mais ici, c'est leur peur qui l'emporte sur le raisonnement.

Diagnostic

"Dans le cadre de ces différents diagnostics possibles, la clinophilie ne peut être considérée comme un élément séparé, mais doit au contraire être prise en considération au regard des autres symptômes qui l'accompagnent", souligne le docteur Neveux. Ainsi, il est peu probable qu'une clinophilie soit le symptôme d'une schizophrénie, qui touche environ 1 % de la population, si aucune autre caractéristique de la schizophrénie n'y est associée. 

La clinophilie pourra plus probablement être liée à une dépression, trouble mental qui touche mondialement plus de 300 millions de personnes selon l'OMS, et atteint environ une personne sur quatre au moins une fois dans sa vie.

La clinophilie sera facilement diagnostiquée par le médecin traitant ou le psychiatre. Ainsi, le patient fera facilement, de lui-même, mention de son manque d'envie de sortir. Il indiquera, souvent de lui-même, qu'il préfère rester chez lui, ou même dans le lit, et répondra quand le médecin lui pose la question. Parfois, c'est son entourage qui pourra également le signaler.

Personnes concernées

Aucune personnalité n'est plus touchée qu'une autre. La clinophilie est une pathologie intercurrente. Même une personne très active peut être atteinte de clinophilie, le jour où elle déprime. Il n'y a donc pas de personnalités plus concernées que d'autres. La clinophilie peut toutefois être majorée en cas de trouble de personnalité passif-agressif.

Facteurs de risque

La clinophilie, symptôme fréquent et banal de diverses pathologies, présente les facteurs de risques liés à ceux de la pathologie qui va lui donner naissance.

  • Les facteurs de risque de la schizophrénie sont complexes, et liés à la prise de cannabis, de toxiques comme le LSD. Les déterminants génétiques sont réels, les autres facteurs restant très débattus.
  • Les facteurs de risque de la dépression et des troubles anxieux sont les troubles de la personnalité, des problèmes liés à de mauvais schémas cognitifs. Des événements de vie peuvent également la déclencher. En outre, des facteurs génétiques peuvent entrer en jeu.

Tous les toxiques, particulièrement l'alcool, sont des facteurs de risque très importants.

Les symptômes de la clinophilie

La clinophilie se traduit par le fait de vouloir rester allongé, ou de vouloir rester tout le temps chez soi. Il s'agit d'un symptôme et non d'une maladie en soi, qui peut aussi s'observer dans le burn out, et dans la prise de toxiques tels que le cannabis.

Le syndrome d'amotivation, qui désigne une absence de motivation, peut également être associé à la clinophilie : il s'illustre, typiquement, par l'adolescent qui fume du cannabis, qui reste dans sa chambre toute la journée et ne fait rien d'autre.

Traitements de la clinophilie

Les traitements de la clinophilie s'intégreront dans un traitement général, au sein d'une prise en charge adaptée du trouble diagnostiqué : anti-dépresseurs pour les dépressions, antipsychotiques pour les troubles psychotiques, anxiolytiques pour les troubles anxieux.

Les démarches psychothérapeutiques sont particulièrement adaptées dans le soin de la clinophilie : TCC et TIP.

  • Les thérapies cognitives comportementales (TCC) ont pour principe de faire comprendre à la personne que le fait de rester chez elle, même si cela la rassure à court terme, est quelque chose de négatif. Le but est de faire réagir le patient de manière pro-active. Le trouble peut être parfois ancien, comme la peur des chiens : l'objectif est, alors, de faire prendre conscience au patient qu'il se fait plus de mal à rester chez lui que le risque d'avoir à affronter un chien n'est inconvenant. Les TCC consistent donc en une restructuration positive des schémas de pensée.
  • Les thérapies interpersonnelles (TIP) visent à souligner l'importance et les bénéfices que le lien d'attachement à l'autre apporte à soi-même. Elles mettent en valeur les bienfaits de l'interaction sociale, et du groupe, qui aideront le patient à aller mieux, à se sentir heureux. L'interaction à l'autre permet aux êtres humains de se sentir bien. Ce travail sur soi, qui est aussi un travail d'attachement, amène donc à se rendre compte de l'importance du lien à l'autre pour être équilibré.

L'une ou l'autre de ces psychothérapies peut être très utile pour soigner la clinophilie. La TCC conduira à identifier ses dysfonctionnements, et aidera le patient à y apporter ses réponses. La TIP permettra de rétablir du lien avec les autres.

Prévenir la clinophilie

Il n'existe pas grand chose en matière de prévention de la clinophilie. Les soins s'attacheront surtout à traiter les symptômes, TCC et TIP étant aussi une façon de prévenir qu'un symptôme de clinophilie ne se produise de nouveau, ou du moins une manière d'avoir déjà des méthodes pour réagir en cas de nouvel épisode.

Le lien social, soit le fait d'avoir un fort étayage de relations, avec des liens de qualité, est en soi un facteur protecteur des pathologies psychiatriques. Pour le docteur Neveux, "la motivation vient aussi de soi-même, par la pratique d'actions motivantes qui incitent à sortir".

Rédaction : Agnès Bourahla-Farine, journaliste scientifique,

Décembre 2018

Références

  • Docteur Neveux, psychiatre-psychothérapeute à Paris, spécialiste des TIP et des TCC et auteur du site www.e-psychiatrie.fr
  • www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/depression