L'amnésie se définit par une difficulté à former des souvenirs ou à récupérer des informations en mémoire. Souvent pathologique, elle peut aussi être non pathologique, comme dans le cas de l'amnésie infantile. Elle est, de fait, plus un symptôme qu'une maladie, majoritairement liée dans nos sociétés vieillissantes à des pathologies neurodégénératives de type maladie d'Alzheimer, et peut avoir plusieurs autres étiologies. L'amnésie peut par exemple être aussi d'origine psychogène, ou traumatique. L'un des traitements possibles est la rééducation de la mémoire, pouvant être proposée même à des sujets âgés, notamment dans les centres de rééducation.
L'amnésie, qu'est-ce que c'est ?
Définition de l'amnésie
L'amnésie est un terme générique, qui évoque une difficulté à former des souvenirs, ou à récupérer des informations en mémoire. Elle peut être pathologique, ou non pathologique : c'est le cas de l'amnésie infantile. En effet, les gens récupèrent très difficilement des souvenirs remontant à l'enfance, mais ce n'est alors pas dû à un processus pathologique.
L'amnésie est davantage un symptôme qu'une maladie en elle-même : ce symptôme de trouble de la mémoire peut être le signe d'une maladie neuro-dégénérative, dont la plus emblématique est la maladie d'Alzheimer. Par ailleurs, le syndrome amnésique est un type de pathologie de la mémoire dans lequel les troubles mnésiques sont très importants.
Il existe plusieurs formes d'amnésie :
- une forme d'amnésie dans laquelle les patients oublient une partie de leur passé, appelée amnésie d'identité, et dont l'intensité est variable : le patient peut aller jusqu'à oublier son identité personnelle.
- l'amnésie antérograde, qui signifie que les patients présentent des difficultés à acquérir des informations nouvelles.
- l'amnésie rétrograde, elle, est caractérisée par l'oubli du passé.
Dans beaucoup de formes d'amnésie, les deux versants, antérograde et rétrograde, sont présents, mais ce n'est pas toujours le cas. En outre, il existe aussi des gradients. "Les patients sont tous différents les uns des autres, fait remarquer le professeur Francis Eustache, professeur spécialiste de la mémoire, et cela requiert une excursion très précise afin de bien comprendre les troubles en présence."
Causes de l'amnésie
De fait, l'amnésie est causée par de nombreuses situations dans lesquelles le patient présente des troubles de la mémoire. Les plus fréquentes sont les suivantes :
- troubles neuro-dégénératifs dont le plus connu est la maladie d'Alzheimer, qui est une cause grandissante d'amnésie dans les sociétés actuelles qui évoluent vers un vieillissement global de la population ;
- traumatisme crânien ;
- syndrome de Korsakoff (un trouble neurologique d'origine multifactoriel, se caractérisant notamment par des troubles de la cognition) ;
- tumeur cérébrale ;
- séquelles d'un accident vasculaire cérébral : là, la localisation de la lésion dans le cerveau jouera un rôle majeur ;
- Une amnésie peut aussi être associée à des anoxies cérébrales, suite à un arrêt cardiaque par exemple, et donc à un manque d'oxygène dans le cerveau ;
- Les amnésies peuvent aussi être d'origine psychogènes : elles seront alors liées à des pathologies psychologiques fonctionnelles, tels qu'un choc affectif, ou un traumatisme affectif.
Diagnostic de l'amnésie
Le diagnostic dépend du contexte clinique général.
- Pour un traumatisme crânien, après un coma, l'étiologie de l'amnésie sera aisément identifiée.
- Dans beaucoup de cas, le neuropsychologue pourra contribuer au diagnostic. Généralement, les examens de la mémoire se font via des questionnaires, qui permettent de tester l'efficacité de la mémoire. Un entretien avec le patient et l'entourage pourra également contribuer au diagnostic. Plus largement, les fonctions cognitives du langage, et de la sphère de la cognition, pourront être évaluées.
- Un examen neurologique pourra être réalisé par un médecin neurologue, via la clinique, afin d'examiner les troubles moteurs du patient, ses troubles sensitifs et sensoriels, et également d'établir un examen de la mémoire dans un contexte plus large. Une IRM anatomique permettra de visualiser d'éventuelles lésions. Par exemple, l'IRM permettra, après un AVC, de voir si des lésions existent, et où elles sont localisées dans le cerveau. Des lésions au niveau de l'hippocampe, situé sur la face interne du lobe temporal du cerveau, peuvent aussi engendrer des troubles de la mémoire.
Les personnes concernées
En fonction de l'étiologie, les personnes concernées par l'amnésie ne seront pas les mêmes.
- Les personnes les plus fréquemment touchées par une amnésie causée par un trouble neurodégénératif sont les personnes âgées.
- Mais les traumatismes crâniens vont, quant à eux, davantage toucher des sujets jeunes, à la suite d'accidents de moto, de voiture, ou de chutes.
- Les accidents vasculaires cérébraux, ou AVC, peuvent aussi toucher les jeunes, mais concernent plus fréquemment les personnes d'un certain âge.
Le facteur de risque majeur est l'âge : plus une personne est âgée, plus elle est à risque de développer des troubles de mémoire.
Les symptômes de l'amnésie
Les symptômes des différents types d'amnésie pourront revêtir des formes très différentes, en fonction des types de pathologies concernées, et des patients. En voici les plus fréquents.
Amnésie antérograde
Ce type d'amnésie se caractérise par une difficulté à acquérir des informations nouvelles : le symptôme se manifeste donc ici par un problème pour retenir des informations récentes.
Amnésie rétrograde
Un gradient temporel est souvent constaté dans cette forme d'amnésie : c'est-à-dire que, de façon générale, les patients victimes d'amnésie vont plutôt censurer leurs souvenirs les plus lointains, et au contraire bien mémoriser les souvenirs plus récents.
Les symptômes manifestés dans l'amnésie dépendront fortement de leur étiologie, et ne seront donc pas tous soignés de la même façon.
Traitements de l'amnésie
Actuellement, les traitements médicamenteux dans la maladie d'Alzheimer dépendent du stade de gravité de la pathologie. Les médicaments sont surtout à but retardatif, et pris au début de l'évolution. Lorsque la gravité de la pathologie s'accentue, la prise en charge sera davantage socio-psychologique, au sein de structures adaptées à ces personnes présentant un trouble de mémoire.
Par ailleurs, une prise en charge de type neuropsychologique visera à exploiter les capacités préservées dans la maladie. Des exercices contextualisés pourront être proposés, au sein de structures adaptées, comme des centres de rééducation. Rééduquer la mémoire est un point essentiel dans le soin de l'amnésie, ou trouble de la mémoire, à tout âge et quelle qu'en soit la cause.
Prévenir l'amnésie
Il existe des facteurs de réserve, qui contribueront à protéger la personne face au risque de développer une maladie neurodégénérative. Parmi eux : des facteurs d'hygiène de vie. Il faut ainsi se prémunir de maladies comme le diabète ou l'hypertension artérielle, qui interagissent fortement avec les aspects neurodégénératifs. Une hygiène de vie saine, tant au niveau nutritionnel que par la pratique régulière d'une activité physique, contribuera à préserver la mémoire.
Sur un aspect plus cognitif, la notion de réserve cognitive a été établie : elle est fortement fondée sur l'interaction sociale et le niveau d'éducation. Il s'agit de conserver des activités intellectuelles, participer à des associations, voyager. "Toutes ces activités qui stimulent l'individu sont des facteurs protecteurs, la lecture en est également un", souligne Francis Eustache.
Le professeur explique ainsi, dans l'un de ses ouvrages que "si deux patients présentent un même niveau de lésions diminuant leurs capacités cérébrales, le patient 1 présentera des troubles alors que le patient 2 ne sera pas affecté sur le plan cognitif, car sa réserve cérébrale lui confère une marge plus importante, avant d'atteindre le seuil critique de déficit fonctionnel". De fait, la réserve est définie "en termes de quantité d'atteinte cérébrale qui peut être tolérée avant d'atteindre le seuil de l'expression clinique des déficits".
- Dans ce modèle dit passif, cette réserve cérébrale structurelle, dépend ainsi de facteurs tels que le nombre de neurones et de connexions disponibles.
- Un modèle dit de réserve actif prend, lui, en compte les différences entre les individus dans la manière dont ils réalisent des tâches, y compris dans leur vie quotidienne.
- En outre, il existe aussi des mécanismes de compensation, qui permettront de recruter des réseaux cérébraux alternatifs, autres que ceux habituellement utilisés, afin de compenser une atteinte cérébrale.
La prévention n'est pas une tâche aisée : le terme prévention signifie davantage, pour l'auteur américain Peter J. Whitehouse, docteur en médecine et en psychologie, "repousser le début du déclin cognitif, ou ralentir sa progression, plutôt que de l'éliminer complètement". Un enjeu majeur du temps actuel, puisque le rapport annuel des Nations Unies sur la population mondial indiquait en 2005 que "le nombre de personnes âgées de 60 ans et plus aurait quasiment triplé d'ici en 2050, pour atteindre près d'1,9 milliard de personnes".
Peter J. Whitehouse propose, avec son collègue Daniel George, un plan de prévention, dans le but de prévenir le vieillissement cérébral à la base des maladies neuro-dégénératives, basé :
- sur l'alimentation : manger moins de graisses trans et saturées et d'aliments transformés, plus de poisson et de graisses saines comme les oméga3, moins de sel, réduire sa consommation calorique quotidienne, et apprécier l'alcool avec modération ;
- sur l'alimentation suffisamment riche des jeunes enfants, afin de protéger leur cerveau dès le plus jeune âge ;
- sur le fait de pratiquer de l'exercice pendant 15 à 30 minutes par jour, trois fois par semaine, en choisissant des activités plaisant à la personne ;
- sur le fait d'éviter les expositions environnementales à des produits toxiques tels que l'ingestion de poissons à haute teneur en toxines, et l'élimination du plomb et autres substances toxiques du domicile ;
- sur la diminution du stress, en faisant de l'exercice, des activités de loisirs relaxantes, et en s'entourant de personnes apaisantes ;
- sur l'importance de se constituer une réserve cognitive : s'engager dans des activités stimulantes, faire toutes les études et formations possibles, apprendre de nouvelles habiletés, permettre que les moyens soient répartis plus équitablement dans les écoles ;
- sur la volonté de rester en forme jusqu'à la fin de sa vie : en n'hésitant pas à faire appel à l'aide de médecins ou d'autres professionnels de santé, en choisissant un travail stimulant, apprenant une nouvelle langue ou à jouer un instrument de musique, pratiquant des jeux de société ou de cartes au sein d'un groupe, engageant des conversations stimulantes sur le plan intellectuel, cultivant un jardin, lisant des livres intellectuellement stimulants, en suivant des cours pour adultes, faisant du bénévolat, conservant un regard positif sur l'existence, défendant ses convictions ;
- sur le fait de se protéger contre les infections : éviter les infections dans la petite enfance et assurer de bons soins de santé à soi et sa famille, contribuer à la lutte mondiale contre les maladies infectieuses, adopter des comportements permettant de lutter contre le réchauffement climatique.
Et Peter J. Whitehouse de rappeler :
- le modeste soulagement symptomatique qu'apportent les traitements pharmacologiques actuels dans la maladie d'Alzheimer ;
- des résultats systématiquement décourageants fournis par les essais cliniques récemment menés sur de nouvelles propositions de traitements ;
- les incertitudes concernant les possibles mérites de futurs traitements comme les cellules souches ou les vaccins bêta-amyloïdes.
Ces deux médecins et psychologues conseillent ainsi aux gouvernements de "se sentir suffisamment motivés pour commencer à mener une politique nuancée, qui viserait à améliorer la santé de la population tout entière, sur l'ensemble de la vie des personnes, plutôt que de répondre après coup au déclin cognitif".
Et Peter Whitehouse de citer finalement Arne Naess, ancien professeur de l'université d'Oslo où il inventa le terme d'"écologie profonde", exprimant l'idée que "les êtres humains sont liés intimement et spirituellement à la terre" : "Pense comme une montagne !", montagne dont les flancs érodés communiquent un sentiment de lente modification, comme le reflet des processus naturels du vieillissement, et dont les pics et leurs sommets motivent à élever sa pensée...
Rédaction : Agnès Bourahla-Farine, journaliste scientifique,
Décembre 2018
Références
- Professeur Francis Eustache, directeur d'études à l'EPHE, chercheur et directeur d'une unité de l'INSERM dédiée à l'étude de la mémoire humaine et de ses maladies, à l'université de Caen.
- Troubles de la mémoire : prévenir, accompagner. Ouvrage dirigé par Francis Eustache, avec notamment Hélène Amieva, psychogérontologue, et Catherine Thomas-Anterion, neurologue, etc. 2015. Editions Le Pommier.
- Le mythe de la maladie d'Alzheimer. Ce qu'on ne vous dit pas sur ce diagnostic tant redouté. Peter J. Whitehouse et Daniel George. 2009. Editions Solal.