Perdre de la masse musculaire en vieillissant, c'est inéluctable. On parle de sarcopénie lorsque la fonte des muscles s'accompagne d'une perte conséquente de force et que la performance physique est significativement dégradée. Cause majeure de perte de qualité de vie et d'autonomie, ce syndrome altère aussi l'état de santé général des personnes âgées. Un maintien de l'activité physique et des mesures nutritionnelles aident à le combattre.
Qu'est-ce que la sarcopénie ?
Définition
La sarcopénie est un syndrome lié au vieillissement, correspondant à une perte progressive et généralisée de masse, de force et de fonction musculaire.
L'état de présarcopénie est caractérisé uniquement par le déclin de la masse musculaire, s'expliquant essentiellement par la perte de fibres musculaires liée à l'âge. L'efficacité de la contraction des fibres restantes est préservée.
La sarcopénie avérée s'accompagne en outre d'une perte de fonction musculaire. Les fibres musculaires s'atrophient et leur force de résistance est affectée, de même que la performance physique (c'est-à-dire la capacité à effectuer les tâches motrices de la vie de tous les jours).
Lorsque la perte fonctionnelle est importante, les médecins parlent de sarcopénie sévère
Causes
L'origine de la sarcopénie est multifactorielle. Elle est liée à un état de dénutrition, avec des apports insuffisants en protéines, et à un manque d'activité physique (sédentarité), mais implique aussi des modifications de l'organisme liées au vieillissement ou à la maladie chronique, telles que des altérations du métabolisme des protéines et du métabolisme énergétique, des changements hormonaux, des processus inflammatoires et neurodégénératifs…
Diagnostic
Tests cliniques
Les spécialistes évaluent le degré de sarcopénie à l'aide de tests simples qui mesurent la performance physique. Le diagnostic est posé quand :
- La vitesse de marche est inférieure à 1 m/s sur 6 mètres ou à 0,8 m/s sur 4 mètres.
- Le score de performance globale SPPB (short physical performance battery), calculé à partir de trois tests notés sur quatre points, est inférieur à 8. Ces tests évaluent l'équilibre, la vitesse de marche et la capacité du patient à se lever d'une chaise cinq fois de suite.
- Les capacités à exécuter une série de manœuvres simples, évaluées à l'aide du test TUG (Time up and go test) – se lever d'une chaise avec accoudoir, marcher trois mètres jusqu'à un repère, faire demi-tour et revenir s'asseoir – sont diminuées.
Des test de préhension ou d'extension et flexion des genoux sont aussi pratiqués.
Évaluation de la masse musculaire
Visible à l'œil nu, la fonte musculaire peut être objectivée en mesurant la circonférence des muscles des membres.
Méthode simple et peu coûteuse, la bio-impédancemétrie offre une indication de la composition du corps en masse grasse et en masse musculaire en fonction de la résistance des tissus au passage d’un courant de faible intensité.
L'imagerie médicale (scanner, scanner DEXA ou IRM) est plus précise, mais peu utilisée en pratique courante.
Les personnes concernées
A partir de l'âge de 30 ans, la masse musculaire diminue d'environ 1 % par an. Ce processus s'accélère à partir de 50 ans.
On estime qu'environ 10 à 30 % des sexagénaires seraient atteint de sarcopénie, les chiffres variant en fonction des critères retenus et des populations étudiées. Ce taux grimpe jusqu'à 30 à 50 % chez les plus de 80 ans.
Les facteurs de risque
Le risque de sarcopénie est augmenté chez les personnes sédentaires et dénutries.
Le risque des dénutrition découle en partie de la diminution de l'appétit et des apports alimentaires observée chez les seniors. Il peut être majoré par de nombreuses situations pathologiques :
- cancers,
- pathologies rénales ou digestives,
- mauvaise santé bucco-dentaire,
- troubles psychiatriques et neurologiques,
- affections aiguës (infections) et hospitalisations
- traitements médicamenteux,
- pathologies diverses imposant un régime restrictif…
Les personnes âgées isolées, dépendantes ou en situation de pauvreté ont par ailleurs tendance à moins se nourrir et à être moins actives.
Les symptômes de la sarcopénie
Diminution de la performance physique
La sarcopénie entraîne une perte de motricité. À mesure qu'elle s'installe, on devient moins endurant et plus fatigable. Les gestes de la vie de tous les jours – marcher, se lever d'une chaise, monter des marches… – deviennent de plus en plus difficiles, ce qui conduit à une perte d'autonomie et de qualité de vie. L'équilibre est compromis et le risque de chute s'accroît.
Vulnérabilité aux maladies et morbidité
La diminution de l'activité physique augmente le risque d'ostéoporose, donc de fractures.
La baisse de défense contre les infections et les difficultés de cicatrisation s'expliquent par une diminution de la capacité de l'organisme à synthétiser rapidement des composés protéiques, en lien avec la réduction de la masse protéique musculaire, qui constitue une réserve de leurs composants (les acides aminés).
A un stade avancé, la sarcopénie peut entraîner des troubles respiratoires et digestifs liés à la faiblesse des muscles intercostaux, du diaphragme et de la paroi intestinale.
Les traitements de la sarcopénie
La stratégie thérapeutique est définie par un médecin spécialiste de la gériatrie ou de la médecine physique et de réadaptation. Elle s'appuie sur un programme de kinésithérapie adapté, combiné à une prise en charge nutritionnelle.
Exercice physique
Le programme d'exercices physiques comprend principalement des exercices physiques en force contre résistance de faible intensité, permettant un renforcement musculaire.
- flexion/extension debout,
- élévation latérale de la jambe,
- levé de chaise,
- levé de genoux,
- en position assise, maintien d'une jambe levée parallèlement au sol en contraction (exercice isométriques des quadriceps),
- etc.
Des séances répétées deux à trois fois par semaine, pendant douze à dix-huit semaines, entraînent une amélioration de la force et de la puissance musculaire, même chez des sujets très âgés. Les progrès fonctionnels s'étendent à la vitesse de marche, à la facilité à se lever et à la diminution du risque de chute.
Stratégie nutritionnelle
L'objectif principal est de permettre un apport protéique optimal pour stimuler la synthèse de protéines et favoriser la fabrication de masse maigre musculaire.
Augmenter l'apport protéique de l'alimentation ne suffit pas toujours pour atteindre les apports journaliers recommandés, évalués à 1 à 1,2 grammes par kilogramme de masse corporelle et par jour chez la personne âgée. La recherche montre qu'il peut être pertinent d'apporter une supplémentation en acides aminés (leucine, citrulline), mais aussi d'instaurer ce que les spécialistes appellent la nutrition pulsée, qui concentre 80 % des apports protéiques journaliers en un seul repas.
Les protéines rapides, ainsi appelées parce que leur absorption dans le sang est très rapide au cours de la digestion, ont aussi un intérêt pour augmenter la disponibilité des acides aminés pour la synthèse protéique. C'est le cas par exemple des protéines du lactosérum (petit lait).
La vitamine D offre un intérêt pour prévenir le nombre de chute.
Education thérapeutique
L'un des défi majeur de la prise en charge est d'obtenir que les patients reprennent confiance dans leurs capacités et acceptent de respecter ce programme sur la durée.
La prévention de la sarcopénie
La prévention de la sarcopénie repose sur les mêmes piliers que le traitement, à savoir l'activité physique et la nutrition.
Activité physique
L'activité physique couple idéalement des exercices de renforcement musculaire et des activités d'endurance. Les exercices d'assouplissement et d'équilibre sont également bénéfiques. Des études ont par exemple montré les bienfaits de la pratique du Taï Chi.
Pour ceux qui ne sont pas adeptes des activités sportives, de nombreuses activités du quotidien – la marche, le jardinage, faire les courses… – contribuent à préserver notre "capital muscles".
L'exercice physique permet aussi de stimuler l'appétit et le métabolisme.
Alimentation
L'alimentation doit permettre un apport suffisant en protéines. Elle doit aussi être équilibrée et permettre notamment des apports essentiels en fruits et légumes (riches en anti-oxydants), ou encore en oméga-3, de manière à préserver l'organisme des effets néfastes du vieillissement.
La prise de compléments alimentaires aux propriétés anti-oxydantes, anti-inflammatoires, ou encore actifs sur le métabolisme est envisageable (anthyocanes, oméga-3, acide ursolique…) mais ne peut se substituer à une alimentation équilibrée.
Rédaction : Marielle Mayo, Journaliste scientifique
Octobre 2018
Références
- La sarcopénie. Capacité de gériatrie, Groupe hospitalier Henri Mondor et Université Paris Descartes, 26 mars 2018.
- Sarcopenia: European consensus on definition and diagnosis. Report of the European Working Group on Sarcopenia in Older People. Age Ageing. 2010 Jul; 39(4): 412–423.
- http://www.toutsurlasarcopenie.fr/
- https://www.chu-bordeaux.fr/Les-services/Service-de-m%c3%a9decine-physique-et-de-r%c3%a9adaptation/PATHOLOGIES/Sarcop%c3%a9nie/
- https://www.revmed.ch/RMS/2013/RMS-390/Evaluation-de-la-marche-de-l-equilibre-et-du-muscle-chez-le-sujet-age#anchor-rb1