Ce qu'il faut savoir des mastocytoses
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Ce qu'il faut savoir des mastocytoses

Publié par topclinique topclinique   | Il ya 6 ans   | 840

La mastocytose est une maladie caractérisée par la présence en trop grand nombre d'une sorte de globules blancs dans les tissus, les mastocytes. Ces derniers peuvent donner des manifestations sur la peau mais aussi dans les organes profonds et des réactions généralisées parfois redoutables.

Définition de la mastocytose

La mastocytose est une maladie rare caractérisée par un excès de mastocytes dans la peau et/ou d'autres organes.

Les mastocytes sont des globules blancs jouant un rôle dans l'inflammation et l'allergie, car ils délivrent dans les tissus des médiateurs tels que l'héparine, l'histamine, des cytokines (comme le TNF α)... qui font gonfler les tissus, dilatent les vaisseaux sanguins...

Les manifestations cliniques de la mastocytose sont liées, d’une part, à l’accumulation de mastocytes dans les tissus et, d’autre part, aux effets des médiateurs qu'ils libèrent, responsables de manifestations inflammatoires et d'allure allergique.

On classe ces manifestations en fonction des organes touchés :

  • Mastocytose cutanée : urticaire pigmentaire, dermographisme, rougeurs
  • Mastocytose systémique : manifestations sanguines (anémie, augmentation ou diminution des globules blancs, augmentation ou diminution des plaquettes, maladies malignes du sang...), manifestations neurologiques (maux de tête, syncopes, vertiges, convulsions, anxiété, dépression, démence...), manifestations cardiovasculaires (palpitations, hypotension...), atteinte respiratoire à type de fibrose interstitielle ou d'atteinte laryngée engendrant des troubles respiratoires notamment une difficulté à respirer...
  • Mastocytose digestive : douleurs abdominales, diarrhée, nausées et vomissements...
  • Mastocytose osseuse : douleurs osseuses, articulaires

Les causes de mastocytose

On trouve des mutations du gène c-Kit localisé sur le chromosome 4 dans beaucoup de mastocytoses. Ces mutations provoquent la production de protéine Kit qui stimule une prolifération des mastocytes.

Qui est touché par la mastocytose ?

La mastocytose est une maladie qui peut survenir à tout âge, sans prédisposition de sexe.

Diagnostic de la mastocytose

Le diagnostic de mastocytose nécessite de réaliser une biopsie de la peau (sur une zone non préalablement traumatisée afin d’éviter la dégranulation des mastocytes qui rendrait leur reconnaissance plus difficile et sans adrénaline dans l’anesthésique local ou après anesthésie au froid ) afin de mise en évidence d’un infiltrat mastocytaire dans le derme dont la densité est supérieure à 15 cellules par champ à grossissement 40.

Le médecin peut demander un dosage sanguin de tryptase : le taux normal est inférieur à 5 ng/ml, les patients ayant une mastocytose cutanée ont souvent un taux inférieur à 20 ng/ml alors que ceux ayant une mastocytose systémique ont souvent un taux supérieur à 20 ng/ml. Par ailleurs, la présence d’un taux supérieur à 75 ng/ml, serait systématiquement associée à la présence de la maladie.

Evolution et complications possible de la mastocytose

La mastocytose cutanée évolue par poussées congestives avec rougeurs et gonflements des plaques.

Dans les mastocytoses profondes ou cutanées profuses, les manifestations peuvent être graves (troubles respiratoires, atteinte osteo articulaire...).

Chez l’enfant, les mastocytoses sont souvent bénignes et régressent souvent en quelques années.

Chez l'adulte par contre, on craint souvent des les atteintes systémiques et réactionnelles voire une évolution vers des maladies malignes :

  • ?les syndromes myéloprolifératifs ou myélodysplasiques (lymphomes, leucémies aigues ou chroniques...).
  • les mastocytoses agressives, envahissant progressivement tous les organes
  • la leucémie à mastocytes : heureusement exceptionnelle, c’est la forme maligne de mastocytose envahissant la moelle osseuse et le sang.

Symptômes de la mastocytose

Mastocytose cutanée

  • L’urticaire pigmentaire est la forme la plus fréquente des manifestations cutanées de mastocytose, provoquant des gonflements de petite taille de la peau de couleur brun-rouge, dont le frottement accentue le gonflement et le rougissement, surtout chez l'enfant (c'est le signe de Darier). L’urticaire pigmentaire disparaît spontanément à la puberté dans plus de 50%des cas.
  • Les mastocytomes sont plus fréquents chez le nourrisson : il s'agit de boules enchassées dans la peau de couleur brun-rosé, dont le frottement accentue le gonflement et le rougissement (signe de Darier). Les mastocytomes sont de bon pronostic et disparaissent généralement spontanément en quelques années.
  • La telangiectasia macularis eruptiva perstans est une forme rare de mastocytose survenant plutôt chez l’adulte, provoquant de petites plaques rouges recouvertes de télangiectasies (petits vaisseaux rouges-violacés) sur le tronc, souvent accompagnée de signes profonds.

Mastocytoses profondes

De nombreux organes peuvent être envahis par les mastocytes ou la cible de manifestations liées aux mastocytes, le plus souvent en plus d'atteintes cutanées (urticaire pigmentaire, mastocytoses cutanées diffuses...).

  • Mastocytose sanguine : anémie, augmentation ou diminution des globules blancs, augmentation ou diminution des plaquettes, maladies malignes du sang...
  • Mastocytose neurologique : maux de tête, syncopes, vertiges, convulsions, anxiété, dépression, démence...
  • Mastocytose cardiorespiratoire : palpitations, hypotension, fibrose interstitielle, atteinte laryngée...
  • Mastocytose digestive : douleurs abdominales, diarrhée, nausées et vomissements...
  • Mastocytose osseuse : douleurs osseuses, articulaires

Manifestations reactionnelles

Il s'agit de manifestations liées à la libération de médiateurs par les mastocytes sous l’influence de facteurs externes, le plus souvent

  • médicaments (anesthésiques de la famille du curare ou des opiacés, aspirine, anti inflammatoires, codéine, morphiniques, polymyxine B, hydralazine, amphotéricine B, quinine, scopolamine, réserpine, pilocarpine, macromolécules ...)
  • aliments (cacahuètes, agrumes, poissons et crustacés, fromages fermentés, boissons fermentées et alcoolisées, aliments fumés, tomates, épinards, bananes, épices, fraises...),
  • physiques (traumatismes locaux et frottements, stress et émotions, variation de température lors des bains, ou efforts, morsures de serpents ou piqûres d’hyménoptères, interventions chirurgicales...)

Elles sont à type de

  • poussées congestives des lésions cutanées,
  • démangeaisons,
  • dermographisme (lorsqu'on frotte légèrement la peau, elle gonfle et rosit sur les zones frottées, on peut même écrire ou dessiner sur la peau)
  • signes généraux (maux de tête, rougeur, douleurs digestives, diarrhée, nausées, palpitations, hypotension voire choc cardiovasculaire, difficultés respiratoires...).

La mastocytose est une maladie rare mais non exceptionnelle qui survient le plus souvent sans prédisposition de sexe, à tout âge.

L'opinion de notre médecin

Le pronostic est très différent selon l’âge et les organes atteints. La mastocytose de l'enfant, souvent très anxiogène pour les parents, est heureusement généralement bé

Les facteurs de risque

nigne, cantonnée à la peau et spontanément régressive, laors que la mastocytose de l'adulte est souvent accompagnée de signes profonds.

Le traitement de la mastocytose est mal codifié et repose plus sur l’expérience que sur des études scientifiques de fort niveau de preuve. Outre le traitement, les mesures préventives des manifestations congestives doivent cependant toujours être bien connues du malade et de son entourage.

Prévention

La mastocytose ne peut pas être prévenue.

On peut cependant limiter les facteurs de déclenchement des poussées congestives

Facteurs physiques

  • Traumatismes locaux et frottements
  • Stress et émotions
  • Variation de température (bains, efforts)
  • Morsures de serpents ou piqûres d’hyménoptères
  • Interventions chirurgicales

Aliments

Cacahuètes, agrumes, poissons et crustacés, fromages fermentés, boissons fermentées et alcoolisées, aliments fumés, tomates, épinards, bananes, épices, fraises...

Médicaments

Anesthésiques de la famille du curare ou des opiacés, aspirine, anti inflammatoires, codéine, morphiniques, polymyxine B, hydralazine, amphotéricine B, quinine, scopolamine, réserpine, pilocarpine, macromolécules... Par ailleurs, les beta-bloquants contre-indiqués car ils diminuent l'efficacité de l'adrénaline

Traitements

Le traitement de la mastocytose consiste à prévenir les manifestations réactionnelles et à les traiter.

Prévention des poussées réactionnelles

Limitation des facteurs physiques

  • ?frottement de la peau, notamment lors de la toilette des nourrissons ou des enfants ;
  • brûlures ou traumatismes locaux
  • piqûres d’hyménoptères (abeilles, guêpes...)

Eviter les aliments histaminolibérateurs

Cacahuètes, agrumes, poissons et crustacés, fromages fermentés, boissons fermentées et alcoolisées, aliments fumés, tomates, épinards, bananes, épices, fraises...

Eviter certains médicaments

  • ?les anesthésies générales sont souvent à l’origine de poussées réactionnelles sévères. Il faut donc toujours prévenir l'anesthésiste qui évitera les curares et les opiacés et va prescrire des antihistaminique avant l'intervention.
  • en cas d’injection de produit de contraste iodé avant une radiographie ou un scanner, des antihistaminiques doivent aussi être prescrits
  • les autres médicaments contre indiqués sont : aspirine, anti inflammatoires, codéine, morphiniques, polymyxine B, hydralazine, amphotéricine B, quinine, scopolamine, réserpine, pilocarpine, macromolécules... et beta-bloquants (par diminution de l'efficacité de l'adrenaline)

Traitement des poussées réactionnelles

Anti histaminiques

Les anti-histaminiques bloquent les récepteurs de l’histamine, un des médiateurs libéré par les mastocytes. Ils diminuent les symptomes allergiques (démangeaisons, gonflement de la peau...) mais ne modifient pas la prolifération mastocytaire.

Les anti histaminiques anti H1 (Aerius ® (desloratadine), Clarityne ® (loratadine), Kestin ®, Telfast ®, Tinset ®, Virlix ® (cetirizine), Xyzall ® (levocetirizine), Zyrtec ® (cetirizine)...) sont souvent associés aux anti-H2 (ranitidine, famotidine, cimétidine)

Anti dégranulants

Il s'agit de molécules limitant la dégranulation des mastocytes (cromoglycate disodique et kétotifène)

Choc

La survenue d’un choc anaphylactique repose sur l’injection d’adrénaline en urgence.

Traitement des mastocytomes en petit nombre

Lésion unique

En cas de mastocytome solitaire, l’exérèse chirurgicale est proposée en cas de gêne fonctionnelle.

Urticaire pigmentaire

  • ?Crème à la cortisone : elle est utilisée surtout sur l'urticaire pigmentaire
  • Ultra Violets : le médecin délivre des Ultra-Violets en cabine trois fois par semaine (UVthérapie) car les UV diminuent le nombre des mastocytes et leur synthèse de médiateurs.

Traitements pour les mastocytoses systémiques

De nombreux traitements sont tentés : Interféron, 2-CdA (Cladribine®), imatinib mésylate (Glivec®), biphosphonates, chlorambucil...

Rédaction : Dr. Ludovic Rousseau, dermatologue
Septembre 2017

Sources

  • Les mastocytoses, Annales de dermatologie et de vénéréologie (2014) 141, 698-714, S. Barete
  • Mastocytosis: a comprehensive insight. G Ital Dermatol Venereol. 2016 Aug;151(4):385-96. Epub 2016 Apr 12. Van Gysel D, DE Maeseneer H, Oranje AP.
  • Mastocytosis: the puzzling clinical spectrum and challenging diagnostic aspects of an enigmatic disease. J Intern Med. 2016 Mar;279(3):211-28. Gülen T, Hägglund H, Dahlén B, Nilsson G