Maladie de Parkinson : Le cas particulier des patients jeunes
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Si l’âge moyen du premier diagnostic est de 70 ans, dans 10 % des cas, les patients ont moins de 50 ans. Quelles conséquences sur l’évolution de la maladie ? Quelle prise en charge ? Quel impact sur le quotidien ? On fait le point. 

Maladie de Parkinson : Le cas particulier des patients jeunes

La maladie de Parkinson est généralement associée à la vieillesse et aux tremblements. Cette perception n’est que partiellement vraieUn patient sur 10 a moins de 50 ans au moment du diagnostic. De l’acceptation à la prise en charge en passant par les soins de support, éclairage sur la situation des patients jeunes.

Parkinson : 10 % des patients ont moins de 50 ans

En France, quelque 160 0001 personnes souffrent de la maladie de Parkinson. À ce jour, il n’existe pas de traitement capable de guérir cette pathologie neurodégénérative qui se caractérise par la destruction progressive d’un type particulier de neuronesles neurones dits à dopamine ou neurone dopaminergique. Cette molécule chimique sert de neurotransmetteur dans le cerveau. C’est elle, notamment, qui contribue à favoriser les interactions au sein du système nerveux. La maladie de Parkinson se manifeste quand il y a un déficit significatif en dopamine.

Quel que soit l’âge auquel le diagnostic est posé, l’annonce s’apparente à un drame. Le constat est encore plus vrai chez les patients jeunes qui représentent 10 % des sujets touchés. Faut-il encore, chez une personne de moins de 50 ans, faire le rapprochement entre des signes parfois non spécifiques et cette maladie qui se retrouve plus souvent chez le sujet agé.

Parkinson chez les jeunes : un diagnostic plus long à poser

"Face à un sujet jeune, il est souvent plus difficile de déceler la maladie de Parkinson, reconnaît le Pr Philippe Damier, neurologue au CHU de Nantes et président du Comité scientifique de l’association France Parkinson. Il n’y a pas toujours de gène spécifique ou alors des difficultés qui orientent à tort vers des problèmes rhumatologiques, comme des douleurs à l’épaule, à la cheville, etc., ou psychiatriques, comme une symptomatologie dépressive".

Isabelle May, 54 ans, vit dans la banlieue lyonnaise. Elle a été diagnostiquée en 2013. "J’avais 48 ans, mais la maladie était probablement là depuis au moins cinq ans, déclare-t-elle. Avec le recul, j’ai identifié des signes, comme, par exemple, ma jambe droite qui traînait un peu. Rien de grave, mais sur des sols qui n’étaient pas plats, je me cassais souvent la figure. J’étais également épuisée et, en plus, j’avais des problèmes d’odorat". Le déclic est venu quand ses difficultés à écrire ont empiré. Celle qui est encore assistante judiciaire dans un organisme social en parle à un ami qui lui conseille de consulter un neurologue. Un rapide examen clinique suffira à identifier la cause de tous ces dysfonctionnements.

 

"Chez le patient jeune, l’expression de la maladie a tendance à être davantage périphérique (jambe qui traîne, membre supérieur légèrement maladroit…), précise le Pr Damier. Chez le sujet âgé, il s’agira plus volontiers d’une forme axiale (troubles de l’équilibre et/ou de l’élocution, ralentissement général…) ou d’une forme avec tremblement".

Conclusion : il est important de savoir identifier les signes avant-coureurs de la maladie, qui ne s’apparentent donc pas forcément, ni exclusivement, à des tremblements au repos.

Parmi les symptômes qui doivent alerter :

  • Une fatigue persistante ;
  • Une gêne à la marche ;
  • Des douleurs vertébrales ou articulaires ;
  • Des troubles de l’odorat ;
  • Des problèmes de concentration ;
  • Des difficultés à exécuter des tâches domestiques (battre des œufs, se coiffer...) ; 
  • Une altération de l’ humeur qui peut aller jusqu’à la dépression.

Une maladie difficile à accepter

"Après l’annonce, à la sortie de la consultation, se souvient Isabelle, mon mari et moi avons marché longtemps le long du Rhône. Nous ne pouvions pas rentrés à la maison, tant nous étions sidérés. Je ne pensais pas qu’il était possible d’avoir la maladie de Parkinson à 48 ans".

Choc, cataclysme, tsunami, effondrement, trou noir, déni parfois aussi, le patient jeune traverse souvent, dans les premiers temps de la maladie, des moments d’une grande violence, entre colère, abattement et incompréhension. C’est pourquoi, souligne le Pr Damier, "il existe, dans certains centres hospitaliers et universitaires (CHU) des consultations d’annonce pour ces patients jeunessur le modèle de ce qui se fait en cancérologie, avec des personnels soignants dédiés en plus des neurologues, comme des infirmières spécialisées, des psychologues, etc. ".

Jeunes ou seniors, une fois installée, la maladie progresse au fil des années, passant de la simple gêne, au début, à la perte d’autonomie, au dernier stade de son évolution. Et chez certains patients, la maladie peut également s’accompagner de l’apparition de troubles cognitifs.

Une prise en charge différente ?

Quel que soit l’âge du patient, aujourd’hui, seuls les symptômes de la maladie peuvent être traités. Sa prise en charge dépend du niveau d’évolution, même si l’objectif visé est le même pour tous les patients : augmenter le taux de dopamine cérébrale.

Ça, c’est pour l’approche globale. Car la maladie progresse à des vitesses très variables selon les patients et, en outre, observe le spécialiste, "la maladie est souvent moins pure chez une personne âgée. D’autres lésions (vasculaires, dégénératives…) peuvent affecter son cerveau, dont les symptômes exprimés ne sont pas le fait du seul manque de dopamine, ce qui explique une plus faible sensibilité aux traitements chez les seniors".

Ces différences actées, il convient dès lors d’adapter le traitement en fonction du profil du patient. "Chaque cas est un cas particulier", rappelle le Pr Damier. 

MÉDICAMENTS

En matière de prise en charge médicamenteuse, deux options s’offrent aux médecins en première intention : 

  • La L-dopa, un précurseur de la dopamine.
  • Les agonistes dopaminergiques qui agissent directement sur les récepteurs dopaminergiques. 

"Ces derniers qui se présentent sous la forme de comprimés ou de gélules sont surtout prescrits chez le patient jeune car ils ont l’avantage d’une durée d’action plus longueUne prise par jour peut donc suffire et le risque de dyskinésie (mouvements anormaux et/ou involontaires) est moins élevé qu’avec la L-dopa". En revanche, ils provoquent davantage d’effets secondaires que la L-dopa.

 

Les agonistes dopaminergiques peuvent en effet entraîner des hallucinations ou des troubles du comportement, à l’instar des troubles du contrôle des impulsions (TCI).

Addiction aux jeux ou à des activités type bricolageune hypersexualitédes achats compulsifs, etc... 46 % des patients jeunes sous agonistes sont concernés, selon une étude française publiée en juin 2018 dans la revue Neurology. Ses auteurs recommandent aux médecins d’informer les patients qui débutent un traitement avec des agonistes sur ce risque. Notamment par rapport à l’environnement familial et social. Après l’arrêt du traitement, les TCI ont disparu en un an chez la moitié des individus.

STIMULATION CÉRÉBRALE PROFONDE  

Après quatre ou cinq ans, en moyenne, la bonne réponse au traitement va montrer des signes de fluctuation. Il faut alors complexifier le traitement, soit en augmentant le nombre de prises, soit en associant des médicaments. Et quand les traitements médicamenteux ne permettent plus de stabiliser le patient jeune, une stimulation cérébrale profonde (SCP), dite aussi neurostimulation, peut être proposée

Comme son nom l’indique, cette technique vise à appliquer une stimulation électrique continue dans des zones bien précises du cerveau afin de corriger les symptômes moteurs de la maladie. L’opération qui peut durer jusqu’à dix heures consiste à implanter deux électrodes de part et d’autre du cerveau, au niveau des noyaux subthalamiques. Les dysfonctionnements cellulaires de ces noyaux sont en effet responsables des troubles du mouvement et des raideurs musculaires

Les électrodes sont reliées à un stimulateur placé sous la peau, généralement dans la zone située entre l’épaule et la poitrine. Cette stimulation, réglable, permet de corriger les dysfonctions cellulaires des noyaux subthalamiques (secondaires au déficit en dopamine cérébrale) et, ainsi, de corriger les fluctuations. Si elle ne supprime pas le traitement médicamenteuxelle le réduit toutefois considérablement

Ce dispositif concerne à peine 10 % des patients qui doivent répondre à des critères très précis2. Pour être éligible, il faut :

  • Au moins avoir six ans d’évolution de la maladie 
  • Moins de 70 ans ;
  • Souffrir de symptômes invalidants ;
  • Souffrir d’importantes fluctuations d’efficacité du traitement ;
  • Ne pas être atteint de dépression.

Depuis le 11 décembre 2018, Isabelle est sous stimulation cérébrale profonde. Près d’un an après, les réglages ne sont pas encore tout à fait au point. Et si aujourd’hui, elle ne prend plus qu’une dizaine de médicaments par jour, dont la L-dopa, contre une vingtaine avant l’opération, elle se dit pourtant mitigée.

"Contrairement à ce que j’imaginais, ça n’a pas eu l’effet d’une baguette magique, remarque-t-elle. Je n’ai plus de crampes, j’ai moins de douleurs, je dors mieux, mais je me fatigue plus vite. Par exemple, si j’ai une activité le matin, l’après-midi, je dois me reposer. Avec Parkinson, ce n’est jamais du 100 % !". Résultat, son mari et elle ont déménagé pour se rapprocher de Lyon, ce qui lui permet d’emprunter les transports en commun. "Conduire, c’est devenu très compliqué", observe-t-elle.

 

Pas question, en effet, de renoncer aux deux Cafés pour parkinsoniens jeunes3, qu’elle a créés et qui, depuis, ont suscité des vocations sur tout le territoire. Conseils, confidences, convivialité et bienveillance : ces échanges sont précieux pour ces femmes et ces hommes qui, passé le choc de l’annonce de la maladie, doivent composer avec un quotidien de plus en plus rétif et des regards d’incompréhension, voire de rejet.

"Comme pour toutes les maladies chroniques, l’approche thérapeutique ne se résume pas à la prise en charge médicamenteuse. Elle doit être globale, et c’est encore plus vrai en ce qui concerne les jeunes parkinsoniens", rebondit le Pr Damier. 

L’intérêt des traitements complémentaires 

PRATIQUE D'UNE ACTIVITÉ PHYSIQUE

La maladie de Parkinson est particulièrement sensible au stress et à l’état émotionnel du patient. C’est pourquoi, certains soins dits de support ont toute leur place dans la prise en charge de cette maladie. 

"À cet égard, illustre Philippe Damier, la pratique d’une activité physique adaptée est recommandée. Elle permet de prévenir et réduire les troubles de l’équilibre ( tai-chi), de maintenir du lien socialde diminuer la douleurde stimuler le cerveau et de provoquer du bien-être". Sans compter que la pratique soutenue, mais adaptée, d’exercices physiques améliorerait le fonctionnement du système dopaminergique.

Fatiguée ou pas, Isabelle s’efforce chaque matin de marcher une demi-heure et, au réveil, de faire un peu d’activité physique. "Ces exercices renforcent les effets des traitements et c’est pour moi, une manière d’essayer de dompter une maladie qui se caractérise par une grande imprévisibilité".

KINÉSITHÉRAPIE

Des séances de kinésithérapies sont également conseillées pour atténuer les douleurs liées à la raideur musculaire, par exemple, et renforcer l’équilibre. Moins souffrir permet en l’occurrence de retrouver un sommeil réparateur.

SOPHROLOGIE

Quant à la sophrologie, elle peut être indiquée pour mieux contrôler ses émotions

"De manière générale, tout ce qui contribue à faire plaisir et à rompre l’isolement est bon à prendre", résume le neurologue.

Les cafés pour jeunes patients participent de cette volonté, face à un environnement qui n’est pas toujours très compréhensif. "Sur tous les plans, personnel, amical et professionnel, on souffre énormément de cette maladie, confesse Isabelle. Les cafés m’ont permis de faire de nouvelles connaissances". Et de pallier un décalage qui ne cesse de se creuser au fur et à mesure qu’évolue la maladie. "Ce qui me manque, c’est de ne plus être dans le mouvement, dans la même vie que les personnes de mon âge".

Sources :

  • 1 - Moisan F, Wanneveich M, Kab S, Moutengou E, BoussacZarebska M, Carcaillon-Bentata L, et al. Fréquence de la maladie de Parkinson en France en 2015 et évolution jusqu’en 2030. Bull Epidémiol Hebd. 2018;(8-9):128-40. ( disponible en ligne). 
  • 2 - Schuepbach, W.M.M., J. Rau, K. Knudsen, J. Volkmann, P. Krack, L. Timmermann, T.D. Hälbig, et al. « Neurostimulation for Parkinson’s Disease with Early Motor Complications ». New England Journal of Medicine 368, nᵒ 7 (14 février 2013): 610‑22. https://doi.org/10.1056/NEJMoa1205158. ( disponible en ligne). 
  • 3 - Les Cafés Jeunes Parkinson, France Parkinson ( disponible en ligne).
  • Forme précoce de la maladie de Parkinson, Parkinson Canada ( disponible en ligne).  
  • Laure Carcaillon-Bentata, Alexis Elbaz & Frédéric Moisan, Epidémiologie de la maladie de Parkinson, données nationales, Santé publique France, 2018 ( disponible en ligne).