La société malade d'Alzheimer
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La société malade d'Alzheimer

Publié par topclinique topclinique   | Il ya 5 ans   | 769

Parmi les pathologies qui inquiètent le monde occidental, la maladie d’Alzheimer occupe une place à part. Elle réveille la peur du vieillissement. Elle touche ce que notre culture considère comme le plus noble, la fonction cognitive et avec elle, l’autonomie. Par ses conséquences et ce qu’elles révèlent, cette maladie émergente nous montre que c’est bien toute notre société qui est malade.
La société malade d'Alzheimer

Il y a trois angles par lesquels on peut observer la maladie d’Alzheimer : le corps qui porte la lésion, le psychisme qui est directement affecté, l’entourage et la vie sociale qui sont déstabilisés. Chacun révèle la dérive d’une culture et d’un mode de vie impuissant à gérer ce qu’ils ont pourtant contribué à installer.

Une maladie organique 
Ne l’oublions pas, la maladie d’Alzheimer est une pathologie organique, directement liée à une lésion dégénérative du cerveau. Savoir si c’est une véritable maladie ou une simple accélération du vieillissement a peu d’intérêt, le résultat est le même, et il est évidemment pathologique. Les raisons de cette dégénérescence sont en revanche plus intéressantes. Les anomalies génétiques et les protéines particulières qui encombrent le tissu nerveux (protéine Tau, peptide amyloïde ß) alimentent la recherche qu’affectionne le monde médical, mais n’ouvrent que des applications médicamenteuses. Celles-ci seront au final peu efficaces, tout en étant génératrices de profits à travers les brevets.
La piste la plus intéressante est sûrement du côté des causes environnementales. La maladie se révèle de plus en plus comme la conséquence d’une inflammation chronique à bas niveau et d’une usure favorisée par l’accumulation de toxiques. Les métaux (mercure et aluminium) sont déjà clairement mis en cause par des études publiées, mais peu prises en compte. L’alimentation pauvre en oméga 3 et en antioxydants, ainsi que la carence en vitamines B9 et B12 qui accroît l’homocystéine, se révèlent être des facteurs favorisants. Des additifs alimentaires comme le glutamate et l’aspartame, si on s’y intéressait vraiment, révèleraient probablement qu’ils ne sont pas innocents.

Tous ces facteurs liés à notre mode de vie ne sont pas la cause directe de la maladie d’Alzheimer, ni des nombreuses autres maladies émergentes auxquelles ils sont associés. Ils sont cependant un important vecteur d’accélération. Et c’est bien cette accélération qui fait qu’il y a de plus de plus de malades, et fera que la maladie se déclenchera de plus en plus jeune.

Des manifestations psychiques 
On connaît la maladie d’Alzheimer pour sa capacité à diminuer la mémoire. En fait, ce sont toutes les facultés cognitives qui sont affectées : la capacité à raisonner, à juger, à organiser sa vie. Or, notre société a donné une valeur disproportionnée à ces fonctions. Ce n’est pourtant qu’une partie de notre cerveau, classiquement le gauche qui est concerné. L’autre cerveau (le droit), est celui de l’intuition, de la vision globale, de la capacité à vivre le présent. Ceux qui ont cette autre face dominante savent à quel point le monde dans lequel nous vivons laisse peu d’espace pour exprimer leur potentiel.
Dans la maladie d’Alzheimer, les fonctions cognitives sont altérées, alors que l’autre versant du psychisme demeure. Le malade reste conscient, mais il voit le monde de plus en plus sous cet angle de globalité et de présence à l’instant. C’est la seule fenêtre qui lui reste ouverte. Lorsque son entourage ou le programme thérapeutique s’efforce de le ramener à la raison, de développer une cognition qui n’a plus de matière nerveuse pour s’exprimer, c’est l’échec. C’est aussi, pour le malade, une grande souffrance d’être ainsi incompris et de se sentir harcelé, poussé à faire ce qu’il ne peut plus faire. Alors fatalement, il devient agressif.

Pour une société qui a survalorisé les fonctions cognitives, la maladie d’Alzheimer est un vrai cauchemar.

Des répercussions fortes sur la famille et la société 
Notre mode de vie fait que toute personne qui perd ses fonctions cognitives et donc une part importante de son autonomie, devient un véritable handicapé à la charge de la société. Il faut donc un aidant familial et à défaut, une prise en charge en institution.
L’aidant, souvent peu formé se heurte à une totale incompréhension, surtout si son fonctionnement personnel est plutôt rationnel et qu’il est peu enclin à l’empathie. Il subit alors l’agressivité de son parent, et parfois la résurgence de conflits familiaux bien refoulés. Souvent, il est seul face au problème. Il se trouve face à son échec, avec de lourdes conséquences liées au stress intense : conflits conjugaux, perte d’emploi, dépression ! Il est apparu ainsi une seconde pathologie de la maladie d’Alzheimer, celle des aidants.

Les institutions qui sont de plus en plus la solution de recours ont un coût élevé pour les familles et pour la société. Combien en faudra-t-il à l’avenir pour prendre en charge tous les malades qui ont une durée de vie de 10 à 15 ans ? Combien de temps la collectivité pourra-t-elle assurer la prise en charge avant d’envisager, sans le dire vraiment, des solutions plus radicales : euthanasie, enfermement dans des mouroirs ?

Une société malade incapable de se remettre en cause 
Pour lutter efficacement contre la progression de la maladie d’Alzheimer et favoriser la prise en charge des malades actuels et à venir, une révision profonde du mode de vie et notamment des habitudes alimentaires semble incontournable. Il faudrait aussi évoluer vers une société qui cesse cette compétition stupide vers on ne sait quoi, rendant inexorablement les choses plus compliquées, moins locales, moins humaines.
Il est évident qu’une alimentation plus conforme à nos besoins et une exposition plus réduite aux toxiques ralentirait le processus de vieillissement et de dégénérescence du tissu cérébral. Évident aussi qu’une organisation sociale qui retrouve les valeurs de la communauté locale capable de prendre en charge collectivement ceux qui n’ont pas ou plus leur autonomie (enfants, handicapés, vieillards) ouvrirait un champ nouveau de possible. Évident enfin que des valeurs et une éducation qui laisseraient plus de place au cerveau non rationnel (global, intuitif, présent) et sa capacité d’empathie, permettraient une bien meilleure acceptation de la maladie et un accompagnement plus aisé. Nous sommes loin, bien loin de tout cela.

La maladie d’Alzheimer nous rappelle que notre société est bien malade, mais elle refuse encore de le voir en face.