Certains le considèrent comme un bruit rassurant, d'autres comme un comportement méprisable. Les Chinois, quant à eux, y voient l'indice d'une bonne santé. Néanmoins, pour l'entourage du ronfleur, le ronflement, aussi appelé ronchopathie, est bien souvent un bruit irritant, voire insupportable. Mais d'où vient-il? Le ronflement se produit surtout à l'inspiration lorsque, durant le sommeil, les tissus mous du palais et la luette vibrent au passage de l'air, comme des voiles qui claquent au vent. (Voir le schéma en haut à droite.)
Sauf dans les cas d'apnée du sommeil (voir schéma), le ronflement n'est pas considéré comme un problème de santé et n'ennuie pas le ronfleur. On peut toutefois s'inquiéter des troubles du sommeil qu'il provoque chez son entourage. Un ronflement moyen atteint facilement un niveau sonore de 45 dB à 60 dB (le bruit d'une voix), tandis qu'un ronflement majeur peut dépasser les 95 dB, ce qui correspond au bruit du passage d'un camion! Évidemment, cela gêne le sommeil des personnes qui partagent la vie du ronfleur, au point parfois de causer une insomnie chronique.
Puisque de nombreux ronfleurs ignorent qu’ils ronflent, il est difficile d'évaluer la fréquence de ce trouble dans la population. D'après l'American Academy of Otolaryngology, 45 % des adultes ronflent occasionnellement, et 25 % sont des ronfleurs réguliers. Quant aux enfants, on estime qu’ils sont environ 10 % à ronfler régulièrement9.
Causes
Lorsqu’on s’endort, la langue, ainsi que les tissus du fond du palais et de la gorge, se relâchent. Chez certaines personnes, pour des raisons anatomiques surtout, ces tissus bloquent en partie le passage de l’air et se mettent à vibrer lors de la respiration. C’est ce qui cause le ronflement (voir schéma).
Cette respiration sonore peut être provoquée ou accentuée par l'une ou l'autre des situations suivantes :
- un surplus de poids qui entraîne un rétrécissement des voies respiratoires à la gorge ;
- la grossesse (notamment en raison de la prise de poids) ;
- des polypes dans les voies nasales (un polype est une excroissance qui se forme sur une muqueuse) ;
- des amygdales trop volumineuses ;
- une congestion nasale à cause d'un rhume ou d'une allergie (rhinite allergique) ;
- l'absorption d'alcool ou de tranquillisants ;
- le relâchement des tissus lié à l'âge.
Complications
Généralement, le ronflement est bénin et n’a aucune conséquence sur la santé. En revanche, dans certains cas, il est associé à des pauses respiratoires qui perturbent le sommeil. On parle dans ce cas d’apnée du sommeil. L’apnée entraîne une fatigue et une somnolence durant la journée, et est associée à des risques accrus d'hypertension, de maladies cardiovasculaires (y compris accident vasculaire cérébral et infarctus).
L'apnée du sommeil
Environ 10 % des ronfleurs ont un ronflement majeur (supérieur à 95 dB), et environ 3 % souffrent d'apnée du sommeil. L’apnée du sommeil se caractérise par de fréquents arrêts de la respiration durant la nuit. La plupart du temps, le dormeur n’en a pas conscience. Elle est causée par un relâchement de la langue et des muscles de la gorge qui empêche le passage de l’air (voir schéma). Les ronflements sont alors entrecoupés de moments de silence de quelques secondes à plus d’une minute où la respiration est arrêtée. Dans ce cas, il est nécessaire de consulter un médecin. Plus le ronflement est fort, plus il y a de risques qu'il soit accompagné d’apnée.
Outre un ronflement important, les signes qui permettent de soupçonner l’apnée du sommeil sont les suivants : une somnolence ou des endormissements dans la journée, des maux de tête matinaux, des réveils multiples et des envies d'uriner durant la nuit. Voir la fiche Apnée du sommeil.
Les symptômes, les personnes à risque et les facteurs de risque
Symptômes du ronflement
Un bruit de gorge, léger ou fort, émis périodiquement durant le sommeil, le plus souvent lors de l’inspiration, mais parfois également lors de l’expiration.
Personnes à risque
- Les personnes qui ont un voile du palais épais, des amygdales volumineuses (notamment les enfants), une luette allongée, une cloison du nez déviée, un cou court ou une mâchoire inférieure peu développée ;
- Entre l'âge de 30 ans à 50 ans, 60 % des ronfleurs sont des hommes. L'embonpoint, le tabac et l'alcool, de même que des raisons anatomiques pourraient en être la cause. Chez les femmes, la progestérone joue un rôle protecteur sur les tissus. Passé 60 ans, les différences entre les deux sexes s'estompent ;
- Les femmes enceintes, surtout au 3e trimestre de grossesse : elles sont environ 40% à ronfler, à cause de la prise de poids qui entraîne un rétrécissement des voies respiratoires ;
- La fréquence du ronflement augmente avec l'âge, ce qui est principalement attribuable à la perte, en vieillissant, du tonus des tissus.
Facteurs de risque
- Avoir un surplus de poids. Dans 30 % des cas seulement, les ronfleurs ont un poids normal. Chez les gens souffrant d’obésité, la fréquence de l’apnée du sommeil attribuable à l'obstruction des voies respiratoires est de 12 à 30 fois plus élevée ;
- Certains médicaments (comme les somnifères) peuvent causer un relâchement des tissus mous de la gorge ;
- La congestion nasale réduit le passage de l'air et engendre une respiration par la bouche ;
- Dormir sur le dos, car cela amène la langue vers l'arrière du palais, réduisant ainsi l'espace pour le passage de l'air ;
- Consommer de l'alcool en soirée. L'alcool agit comme sédatif et détend les muscles et les tissus de la gorge ;
- Le tabagisme.
La prévention
Mesures préventives de base
- Éviter de boire de l'alcool ou de prendre des somnifères. Les somnifères et l'alcool augmentent le relâchement des tissus mous du palais et de la gorge et aggravent donc le ronflement. Se coucher seulement lorsque la fatigue est présente, et se détendre avant d'aller au lit (voir le dossier Avez-vous bien dormi?) ;
- Garder un poids santé. L'embonpoint est la cause la plus courante du ronflement. Très souvent, un amaigrissement suffit à lui seul pour diminuer de façon importante l'intensité du bruit. Dans une étude effectuée sur 19 hommes testant l'effet de la perte de poids, de la position de côté (plutôt que sur le dos) et de l'utilisation d'un vaporisateur décongestionnant nasal, la perte de poids fut la plus efficace. Les personnes ayant perdu plus de 7 kg ont totalement éliminé leur ronflement1. Notez que les échecs des traitements chirurgicaux du ronflement sont souvent directement en rapport avec l'obésité ;
- Dormir sur le côté ou, mieux, sur le ventre. Le fait de dormir sur le dos est un facteur de risque. Pour l'éviter, on peut placer une balle de tennis dans le dos du pyjama ou se procurer un T-shirt antironflement (dans lequel on peut insérer 3 balles de tennis). On peut aussi réveiller discrètement le ronfleur pour le remettre en bonne position. Le changement de position ne peut pas faire disparaître un ronflement majeur, mais peut effacer un ronflement modéré. Il existe aussi des bracelets à piles qui réagissent au son et émettent une légère vibration pour réveiller le ronfleur ;
- Soutenir le cou et la tête. Il semble que la posture de la tête et du cou influence légèrement le ronflement et les périodes d'apnée chez certaines personnes7. Des oreillers qui permettent d'allonger le cou ont un peu amélioré la respiration de personnes souffrant d'apnée du sommeil8. Mais les preuves scientifiques de l'efficacité des oreillers antironflement sont minces. Consultez votre médecin avant de faire l'achat d'un tel oreiller.
Les traitements médicaux
Mise en garde. Toute personne qui souhaite réduire ses ronflements devrait consulter un médecin ou un spécialiste (un oto-rhino-laryngologiste ou ORL) et éviter d'acheter des produits antironflement disponibles en vente libre (vaporisateurs nasaux, lubrifiants oraux, comprimés, accessoires, etc.). Ces produits risquent d'être décevants puisqu'ils ne conviennent pas à tous et que leur efficacité n'a pas été validée scientifiquement par des études indépendantes, dans bien des cas. Pour un traitement approprié, la cause du ronflement doit être découverte par un médecin.
Le traitement du ronflement dépend de sa cause, de sa gravité, des complications qui lui sont associées, dont l’apnée du sommeil, et de la gêne qu'il crée dans l'entourage. Si le ronflement est léger, perdre du poids et changer certains comportements, comme arrêter de fumer, dormir sur le côté et éviter les sédatifs et l'alcool avant le coucher, est suffisant pour l’éliminer ou le réduire. Toutefois, ces mesures, bien qu’importantes, seront probablement inefficaces à elles seules pour faire disparaître un ronflement moyen ou majeur. Dans ce cas, la médecine classique propose différentes approches, dont certaines sont décrites ci-dessous.
Traitements non chirurgicaux
Traitement de la congestion nasale
La congestion temporaire du nez, par un rhume par exemple, peut être traitée en utilisant des médicaments décongestionnants. Dans le cas d'une congestion chronique, le médecin peut prescrire un vaporisateur nasal aux stéroïdes. Une autre méthode - approuvée par la Food and Drug Administration des États-Unis - consiste à utiliser une bandelette nasale en plastique (Breathe Right® Nasal Strips ou Air Plus®). Cette bandelette élastique se colle sur le nez et augmente l'ouverture des narines, ce qui facilite le passage de l’air. Cela peut prendre quelques nuits pour réapprendre à respirer par le nez (de 7 à 10 nuits en moyenne avant de voir une amélioration).
N.B. La sécheresse des voies nasales peut aussi causer des problèmes de respiration dans les climats secs et durant l'hiver en raison du chauffage. Mettre dans ce cas un humidificateur dans la chambre à coucher.Traitement des allergies
Pour mieux contrôler les allergies, éliminer autant que possible les allergènes de la maison : les animaux, la poussière, les tapis, etc. Des médicaments antihistaminiques peuvent être recommandés par le médecin.
Port d'une prothèse dentaire
Le traitement consiste à porter, la nuit, une prothèse dentaire qui avance la mâchoire inférieure de quelques millimètres. La prothèse, moulée par le dentiste, tient la mâchoire inférieure et la langue vers l'avant, ce qui a pour effet d'agrandir l'ouverture des voies respiratoires supérieures. Plusieurs synthèses, dont une qui recoupe 21 études portant au total sur 320 patients, concluent à l'efficacité de cette prothèse pour le traitement du ronflement2,3. Toutefois, sa tolérance est moyenne et elle peut être inconfortacle.
Port d'un appareil CPAP
Dans les cas de ronflements majeurs, mais surtout d'apnée du sommeil, le port d'un appareil CPAP (« Continuous Positive Airway Pressure », ou « Ventilation par Pression Positive Continue ») offre souvent des résultats spectaculaires. Cela consiste à porter durant la nuit un masque nasal attaché à une petite pompe qui force l'entrée de l'air ambiant dans la bouche par une pression légèrement supérieure à la pression atmosphérique. L'entrée d'air empêche les tissus de s'affaisser. Quand le masque est bien accepté, son efficacité est excellente. Cependant, il doit être porté toutes les nuits et est parfois mal toléré. Le choix d'un masque nécessite l'avis d'un professionnel.
Implants palatins (le système Pillar®)
Approuvés par Santé Canada en 2006, les implants palatins sont de petits fils de polyester que le médecin place dans le palais mou, dans le but de raffermir les tissus lâches qui vibrent et causent le ronflement10. L’intervention se fait sous anesthésie locale. L’efficacité est modérée11.
Traitements chirurgicaux
Les traitements chirurgicaux sont surtout préconisés en cas de ronflement avec apnées du sommeil importantes. Il y a très peu de recherches de qualité qui démontrent une efficacité soutenue de la chirurgie pour le ronflement seul. Par ailleurs, ces procédures ne sont pas sans risque.
Chirurgie classique
La pratique classique (appelée uvulo-palato-pharyngoplastie) consiste à enlever de manière chirurgicale une partie du voile du palais ou la luette, ou les deux, afin d’élargir les voies respiratoires. Si cela est nécessaire, les polypes nasaux ou les amygdales peuvent aussi être enlevés par chirurgie. C'est une opération qui se fait sous anesthésie générale. Chez l’enfant, l’extraction des amygdales seules (amygdalectomie) est le premier traitement du ronflement9. Le séjour à l'hôpital est de 1 à 2 jours et est suivi d'une période de convalescence de 1 à 2 semaines. L'opération est efficace dans les deux tiers des cas.
Chirurgie par laser
Le traitement par laser pour retirer une partie du voile du palais se fait sous anesthésie locale et demande parfois plusieurs séances (de 2 à 5). Il est également douloureux. Il peut être efficace notamment chez les personnes n'ayant pas de surplus de poids. Cependant, les résultats positifs ne semblent pas persister à long terme, et ce traitement peut même parfois conduire à une augmentation du ronflement et de l’apnée.
Traitement par radio-fréquence
Cette procédure récente consiste à réduire par cautérisation l'épaisseur des tissus qui gênent le passage de l'air. Il s'agit de chauffer les tissus sous-cutanés avec une aiguille liée à un générateur de micro-ondes. Cet échauffement entraîne une lésion qui, en cicatrisant, rétracte le voile en durcissant les tissus. Il est recommandé d'effectuer plusieurs séances à faible intensité. La procédure prend une trentaine de minutes sous anesthésie locale. La douleur qui lui fait suite semble plus modérée que pour la chirurgie classique ou par laser.
Recherches. Une nouvelle procédure en cours d'expérimentation utilise l'injection d'un produit chimique sclérosant dans la portion sous-cutanée du voile du palais. Ce produit induit une rétraction du voile du palais et élargit ainsi les voies respiratoires. Selon les chercheurs qui l'ont mise au point et expérimentée, cette procédure est moins coûteuse et moins douloureuse que la précédente et son taux d'efficacité est semblable : des 27 ronfleurs qui ont subi l'intervention dans le cadre d'une étude, 92 % ne s'étaient pas remis à ronfler 2 mois plus tard; et 75 %, 19 mois après4,5. D’autres études avec un nombre restreint de participants ont confirmé l’efficacité de cette technique11. Il y a toutefois trop peu de données pour pouvoir recommander cette procédure. D’autres recherches sont nécessaires.
Références
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Bibliographie
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