La cruralgie ou névralgie crurale est une douleur qui suit le trajet du nerf crural (appelé maintenant nerf fémoral).
Ce nerf naît au bas de la colonne vertébrale (ou rachis) de la réunion de racines nerveuses émanant de la moelle épinière, ou moelle spinale selon la nouvelle nomenclature. Cette moelle est un cordon d’environ 50 cm de longueur prolongeant le cerveau et abritée à l’intérieur de la colonne vertébrale qui la protège grâce aux os des vertèbres.
Au total, 31 paires de nerfs sortent à droite et à gauche du canal rachidien : soit, de haut en bas, 8 au niveau du cou (racines cervicales), 12 du haut du dos (racines thoraciques), 5 du bas du dos (racines lombaires), 5 au niveau du sacrum et 1 à hauteur du coccyx.
Le nerf crural est, comme tous les nerfs rachidiens, un nerf à la fois sensitif et moteur : il innerve le devant de la cuisse et de la jambe et permet la flexion de la cuisse sur le tronc, l’extension du genou ainsi que le recueil des informations sensitives de cette région (chaud, froid, douleur, contact, pression, etc.)
Pourquoi a-t-on une cruralgie ?
Dans l’immense majorité des cas, la cruralgie est due à une compression du nerf crural par une hernie discale. La hernie est une formation venant d’un disque intervertébral, qui, sortant de son espace normal, fait pression sur une des racines du nerf crural.
La colonne vertébrale est formée par l’empilement de vertèbres séparées entre elles par un disque dit intervertébral, structure similaire à celle du cartilage et du ligament. Ce disque joue normalement un rôle d’amortisseur et de répartisseur de forces. Ce disque, qui comprend un anneau avec en son centre un noyau, a tendance à se déshydrater et à se fissurer au fil des années. Le noyau du disque peut alors migrer en périphérie et faire saillie, et c’est la hernie discale. Cette hernie peut alors irriter et comprimer une racine nerveuse, en l’occurrence la racine lombaire L3 ou L4 pour le nerf crural, et provoquer une douleur. Cette compression peut aussi liée à avec une arthrose rachidienne (becs de perroquets, ou formations osseuses comprimant la racine du nerf crural) et/ou un rétrécissement de l’espace du canal rachidien entourant la moelle spinale, ce qui le comprime.
Beaucoup plus rarement, d’autres causes de compression peut être envisagées (infection, hématome, fracture, tumeur, etc.).
Quels sont les symptômes de la cruralgie ?
Dans sa forme habituelle, en rapport avec une hernie discale, le début est en général brutal, caractérisé par une douleur lombaire (lombalgie) qui descend dans la fesse, contourne la hanche pour passer devant la cuisse et descendre dans le mollet.
Cette douleur peut s’accompagner d’autres sensations comme des fourmillements ou des picotements, typiques des névralgies. Il peut aussi exister des zones de moindre sensation (hypoesthésie). Un déficit moteur peut également provoquer une difficulté à lever la cuisse ou à relever le pied.
Quand faut-il consulter ?
En général, la question ne se pose pas et la personne atteinte consulte rapidement, car la douleur est invalidante et nécessite d’être rapidement soulagée. Néanmoins, dans certains cas, la douleur n’est pas au premier plan ou les signes sont plus atypiques : apparition progressive, association à une fièvre etc. ce qui nécessite un bilan à la recherche d’une autre cause que la hernie discale.
Certaines hernies discales nécessitent une prise en charge urgente. Elles sont heureusement relativement rares. Ces hernies où il faut consulter en urgence sont celles où il existe :
- Une très forte douleur qui réclament un traitement antalgique puissant,
- Une paralysie (déficit moteur majeur)
- Des troubles urinaires (perte d’urine, difficulté à uriner)
- Des troubles digestifs (constipation brutale)
- Des troubles sensoriels (anesthésie du périnée, zone située entre l’avant des cuisses et l’anus)Si l’un de ces signes apparait lors d’une cruralgie, il s’agit d’une urgence chirurgicale. En effet, sans traitement, la compression nerveuse peut entraîner des lésions neurologiques irréversibles (troubles urinaires, paralysies, anesthésies...). Le traitement vise à soulager le nerfs et empêcher qu’il continue à être comprimé et abimé de manière irréversible.
Dans le cas où ces signes apparaissent, il faut donc consulter rapidement.Quel médecin consulter en cas de cruralgie ?
La plupart du temps, le médecin généraliste est à même de diagnostiquer et traiter la cruralgie.
Parmi les spécialistes prenant en charge cette maladie, il faut citer avant tout les rhumatologues, des neurologues et médecins rééducateurs (MPR). Certains radiologues peuvent aussi parfois effectuer un geste thérapeutique.
Les urgences chirurgicales sont quant à elle prises en charge par des neurochirurgiens ou des chirurgiens orthopédiques.
Certains cas de cruralgies très douloureuses peuvent nécessiter une consultation dans un centre anti-douleur.
Quels examens fait-on ?
Dans la cruralgie classique, les symptômes sont si typiques que l’examen clinique est suffisant. La mise en tension du nerf par une manœuvre destinée à trouver un signe de Lasègue inversé ou signe de Leri (à plat ventre, extension en arrière de la jambe) provoque une augmentation de la douleur. Un petit déficit moteur et une diminution de la sensibilité correspondant au territoire du nerf crural peuvent aussi contribuer à confirmer le diagnostic. Lorsque c’est la racine lombaire L3 qui est comprimée, le trajet douloureux concerne la fesse, la face antérieure de la cuisse et la face interne du genou et l’insuffisance musculaire intéresse le quadriceps et le muscle tibial antérieur de la jambe (flexion du pied). Lorsque c’est la racine L4 qui est comprimée, le trajet douloureux va de la fesse à la face antérieure et interne de la jambe en passant par la face externe de la cuisse et la face antérieure et interne de la jambe.
L’augmentation de la douleur à la toux, l’éternuement, ou la défécation sont des signes classiques de douleur due à la compression d’une racine nerveuse. En principe, la douleur s’atténue au repos, mais il peut exister des recrudescences nocturnes.Les autres examens ne sont faits qu’en cas de doute sur l’origine de la cruralgie ou d’inefficacité du traitement, voire d’aggravation : radiographies du rachis, bilan sanguin, scanner, IRM. Cependant, dans les pays occidentaux, ces examens sont bien souvent pratiqués plus ou moins systématiquement. Ils permettent alors de visualiser la compression des racines nerveuses. D’autres explorations peuvent, plus rarement, être nécessaires comme un électromyogramme, par exemple.
Les traitements de la cruralgie
En cas de cruralgie liée à une hernie discale, le traitement comprend initialement la mise au repos, des antalgiques, des anti-inflammatoires administrés à dose suffisante et suffisamment longtemps parfois associés à des décontracturants musculaires. Le traitement médical dure généralement de 6 à 8 semaines. Beaucoup d’échecs et de récidives sont à cet égard dus à une insuffisance thérapeutique.
Parfois, une ou plusieurs injections locales de corticoïdes (infiltrations épidurales) sont nécessaires pour calmer la douleur et l’inflammation. Le traitement antalgique doit aussi être adapté au niveau de la douleur, avec, si besoin, des dérivés de la morphine.Dans certains cas, une intervention chirurgicale peut être nécessaire.
Une fois la crise aiguë passée, la kinésithérapie est aussi très utile, notamment par un apprentissage des mouvements adaptés du dos, par des exercices de musculation (abdominaux, spinaux et quadriceps). Chez les sujets en surpoids, l’amaigrissement permet de diminuer les contraintes pesant sur les vertèbres. Dans certains cas de cruralgies traînantes ou récidivantes, la douleur peut faire évoquer une souffrance du nerf à l’origine de douleurs dites neuropathiques qui réclament alors un traitement spécifique ne faisant pas appel aux antalgiques habituels, mais à d’autres médicaments comme des anti-épileptiques et/ou des antidépresseurs à faible dose ayant aussi la propriété de diminuer ce type de douleurs.
Quoi qu’il en soit, la pratique régulière d’une activité sportive, l’entretien d’une musculature correcte, la gestion des mouvements, sont vivement conseillés au décours d’une cruralgie, comme d’une sciatique, afin d’éviter les récidives.
Enfin, certaines hernies discales, à l’origine notamment d’une cruralgie, peuvent être d’origine professionnelle en rapport avec notamment le port de charges lourdes ou l’exposition à des vibrations, la station assise prolongée. C’est alors le médecin du travail qu’il est important de contacter pour une éventuelle prise en charge professionnelle.