Faire coïncider les envies, cela ne va pas de soi. Il faut y travailler dans un esprit ouvert.
Le soleil darde ses rayons, le palpitant s’emballe et le repos rend disponible. En vacances, grasses matinées hédonistes et siestes crapuleuses se multiplient. Ou pas. «Pour certains couples, c’est un moment pour constater que le désir est vivant. Pour d’autres, qu’il n’est plus là du tout», observe Francesco Bianchi-Demicheli, médecin spécialiste en sexologie aux Hôpitaux universitaires de Genève. Sans aller jusqu’à une telle extinction, il est clair qu’il n’est pas facile pour un couple de s’accorder sur le plan du désir et de sa fréquence. Avec le temps, des fluctuations sont normales. Mais il ne faut pas baisser les bras! Par définition, le désir sexuel varie. Et souvent de manière marquée. Il peut être plus ou moins important et fréquent selon les individus, osciller au cours de la vie.
Désir réactif et spontané
Les sexologues observent aussi des différences entre hommes et femmes… qui ne vérifient pas les lieux communs sexistes. «En généralisant, le désir moyen des hommes en santé est plus élevé au cours de la vie mais la variabilité est plus importante chez les femmes, décrit le sexologue. Chez elles, il peut s’éteindre en l’absence de relation mais ressurgir avec une très grande force ultérieurement.» De plus, continue le spécialiste, «on distingue deux types de désir: l’un est dit réactif, il apparaît en présence d’un stimulus, d’une invitation de son partenaire par exemple. L’autre est qualifié de spontané et surgit sans cause évidente ni stimulus.» Or, l’on constate en général que ces deux composantes ont tendance à évoluer différemment avec le temps dans un couple hétérosexuel constitué. Le désir réactif et le désir spontané perdurent ainsi chez l’homme alors que, «même quand tout va bien sentimentalement et sexuellement», le désir spontané diminue avec le temps chez les femmes qui, par conséquent, tendent à moins prendre l’initiative.
Un échange nécessaire
Au-delà des recettes toutes faites, parler et échanger en dehors des ébats est la solution numéro un pour remédier à une baisse du désir dans le couple. Pour le Dr Bianchi-Demicheli, il faut d’abord admettre cette difficulté et se décider à «se remonter les manches et travailler ensemble». Cela implique d’adopter, autant que possible, une position ouverte, sans reproches ou jugement, et de se mettre à l’écoute des ressentis et des propositions de son partenaire. En effet, poursuit-il, «chacun est différent et nos désirs sont très déterminés. Ainsi, pour chaque personne, il y a des facteurs qui stimulent ou inhibent le désir.» Autant d’éléments sur lesquels on peut réfléchir à deux dans une attitude de découverte et de respect de soi et de l’autre. Autant que possible, il faut laisser les tabous au vestiaire pour «ne pas s’empêcher de s’épanouir par culpabilité». Libre au partenaire de saisir la proposition au vol ou d’exprimer son refus.
Se rendre disponible à la nouveauté, c’est aussi exploiter les capacités de mentalisation de l’être humain qui sont très élaborées, continue le sexologue. Ainsi, on peut considérer que les processus qui attisent notre désir sont des créations intellectuelles supérieures plutôt que des pulsions animales que l’on assouvirait. «Dans un couple, le désir est une création continue, conclut le spécialiste. C’est un travail au quotidien, sur soi-même et face à l’autre.»
Prévoir de se retrouver
Rien de problématique là-dedans, s’empresse de préciser le sexologue, «c’est un phénomène très fréquent et tout à fait physiologique. Par contre la manière dont la dynamique du couple intégrera cette donnée peut, à terme, poser problème.» Voilà pour la majorité d’entre nous: cela n’empêche pas que certains partenaires ne perdent pas l’élan des débuts, voire s’accordent de mieux en mieux sur le plan sexuel, mais, bon an mal an, il faut compter sur le fait que, si on ne le cultive pas, le désir tend à baisser au sein d’un couple. Alors qu’y faire? Le plus fondamental est sans doute d’en parler, à froid et ouvertement. Une démarche pas forcément évidente mais à même de vous permettre de repartir sur un bon pied (lire encadré). Ensuite, des aménagements pratiques sont possibles et souvent nécessaires. Même si l’on a des enfants ou une vie très remplie, il faut s’efforcer de trouver des moments où l’on peut jouer son rôle d’amant et d’amante. Des espaces réservés au couple, idéalement éloignés du quotidien et de ses problèmes où donner de l’attention à l’autre.
C’est aussi une affaire d’attitude. «On peut, par exemple, se laisser aller à la passion, illustre le Dr Bianchi-Demicheli. Le désir de passion, la nostalgie d’une passion perdue sont fréquents chez de nombreuses personnes. Or, il est possible de trouver de la passion dans son couple si l’on s’autorise d’abord à la trouver en soi.» Le facteur surprise constitue aussi un moteur érotique très efficace pour de très nombreux individus. Mais totalement insupportable pour certains autres, usez-en avec discernement. Enfin, on peut s’autoriser à considérer d’un autre œil son partenaire. «D’aucuns distinguent sexe et amour, reprend le sexologue. Mais pourquoi cette séparation n’aurait-elle pas sa place également dans le couple? On peut avoir, avec la même personne, à la fois des moments de sexe et d’amour. Il faut parfois accepter que l’on a des envies purement sexuelles et que le désir s’anime pour des raisons seulement physiques et érotiques. Il n’y a pas que les qualités d’âme et la poésie céleste qui attirent.» Après tout, une vie sexuelle active, si l’on y est ouvert et qu’elle ne constitue pas une souffrance, est bien un facteur qui contribue à une bonne santé mentale, et même à une bonne santé tout court.
COMME ON FAIT SON LIT
Qui a bien dormi la veille sera plus enclin aux galipettes. Cela peut paraître un truisme mais ce phénomène a rarement été étudié scientifiquement. Des chercheurs américains ont donc monté une expérience pour mesurer l’impact du sommeil sur la vie sexuelle de 171 étudiantes, et ils ont publié, l’an dernier, leurs résultats dans le Journal of Sexual Medicine.
Durant deux semaines, les participantes ont consigné au matin différents paramètres permettant de mesurer leur quantité de sommeil, la qualité de celui-ci, leur activité sexuelle et leur excitation. Les résultats sont significatifs: en moyenne, plus elles dormaient, plus grand était leur désir. Au point que chaque heure de sommeil supplémentaire accroissait de 14% les chances d’avoir un rapport sexuel avec un partenaire le soir venu.
Obtenus par des questionnaires sur un nombre réduit de sujets, ces résultats sont préliminaires et demandent à être confirmés par d’autres études. Mais ils sont une incitation supplémentaire à respecter son sommeil. Pour les thérapeutes, c’est aussi un rappel qu’il est utile d’examiner le sommeil de patients qui rencontrent des difficultés sexuelles.