Le terme d’insuffisance rénale signale que les différentes fonctions des reins se dégradent. On parle d'insuffisance rénale aiguë lorsque cela se produit de manière brutale , et d'insuffisance rénale chronique quand la dégradation s’étend sur une période plus longue et persiste dans le temps.
Brève description
Les reins produisent l’urine et permettent ainsi d’éliminer une partie des déchets issus de notre alimentation et du métabolisme (ensemble des processus de transformation) de nos cellules. La fonction rénale, dite aussi d’épuration, est essentielle : elle maintient l’équilibre du corps en assurant un contenu en eau et en solutés (substances dissoutes comme le sodium, le potassium et les bicarbonates) dans des limites stables et normales.
Les reins ont également une fonction endocrinienne : ils produisent des hormones telle que l’érythropoïétine (essentielle à la production des globules rouges) et assurent la transformation de la vitamine D (rôle dans le maintien d’une bonne calcification des os).
Le terme d’insuffisance rénale signale que ces différentes fonctions se dégradent. On parle d'insuffisance rénale aiguë lorsque la baisse de la fonction rénale est brutale et se produit en quelques heures ou quelques jours, et d'insuffisance rénale chronique quand la dégradation s’étend sur une période plus longue et persiste dans le temps. L’insuffisance rénale entraîne des perturbations métaboliques qui doivent être corrigées, au risque sinon de sérieusement mettre la vie en danger.
La fréquence de l’insuffisance rénale aiguë varie fortement, de 0,15% à 18% selon les définitions et les groupes de personnes étudiées. En Suisse, environ 200’000 personnes souffrent d’insuffisance rénale chronique. Près de 5% sont traités par dialyse ou bénéficient d’une transplantation (greffe) rénale.
Symptômes
Les symptômes et les signes des insuffisances rénales dépendent avant tout de l’importance de la baisse de la fonction rénale et de la vitesse à laquelle elle apparaît.
L'insuffisance rénale aiguë (IRA) s’accompagne souvent d’une baisse de la quantité des urines, mais pas toujours. La fatigue est fréquente, ainsi que les œdèmes (accumulation anormale de liquide), en particulier aux membres inférieurs (chevilles). Ils témoignent d'une mauvaise élimination du sel et de l’eau par les reins. Une hypertension artérielle est souvent présente également.
L’insuffisance rénale chronique (IRC) reste asymptomatique jusqu'à un stade parfois très avancé. Le premier symptôme est l’apparition de mictions plus fréquentes la nuit, de par le fait que les reins perdent en premier lieu leur pouvoir de concentrer l’urine. Viennent ensuite une fatigue (partiellement en relation avec une anémie), finalement des nausées, des vomissements et des complications neurologiques sous forme d’une vigilance moindre et d’un ralentissement intellectuel. Des crises d'épilepsie sont également possibles, ainsi que des complications cardiaques, sous forme d’accumulation d’eau dans les poumons (œdème pulmonaire) et de troubles du rythme (anomalies de la régularité des battements cardiaques).
Les reins ont cependant une très grande capacité d’adaptation et, chez les personnes qui n’ont plus qu’un rein (par exemple à la suite d’un accident ou d’un don d’organe), ce rein unique suffit à assurer une bonne épuration sanguine et les fonctions hormonales. Les complications de l’insuffisance rénale chronique (qui touche en général les deux reins) se manifestent donc lorsque les dégâts sont déjà importants et que les mécanismes de compensation sont dépassés et ne sont plus efficaces.
Causes
Les causes des insuffisances rénales aiguës et chroniques sont différentes.
Insuffisance rénale aiguë (IRA)
Le classement des IRA dépend de l’endroit où se manifeste la cause de l’IRA :
- Lorsque le problème se situe en amont des reins, par exemple si les reins sont mal perfusés (ils ne reçoivent pas assez de sang) en raison d’une baisse du débit cardiaque ou d’une diminution du volume sanguin, on parle d’IRA pré-rénale.
- Lorsque le problème se situe au niveau des reins, par exemple si les reins sont soumis à une période d'ischémie prolongée (arrêt ou diminution importante de la circulation artérielle qui entraîne un manque d’oxygène), à des substances toxiques pour les reins ou encore à une agression par le système immunitaire (les défenses de l’organisme s’attaquent aux reins), on parle d’IRA rénale.
- Enfin, lorsque le problème si situe en aval des reins, par exemple si l’'insuffisance rénale est due à une obstruction sur les voies urinaires (uretères, vessie, urètre), on parle d’IRA post-rénale.
Insuffisance rénale chronique (IRC)
La majorité, soit 75% des IRC, sont dues à des maladies qui touchent l'ensemble de l'organisme, comme le diabète et l’athérosclérose. Ces maladies, souvent en relation avec l'obésité et l’hypertension artérielle, sont favorisées par la sédentarité et une alimentation trop riche en sel, en protéines d’origine animale et en graisses. Ce type d’alimentation joue un rôle prépondérant dans le développement d’une insuffisance rénale chronique chez des personnes prédisposées génétiquement ou qui ont de naissance des reins de taille diminuée.
Environ 25% des IRC sont dues soit à des maladies immunologiques, c’est-à-dire des maladies au cours desquelles le système immunitaire (les défenses de l’organisme) s’attaque aux reins (on parle alors de glomérulonéphrites), soit à des maladies génétiques comme la polykystose rénale (maladie caractérisée par l’apparition progressive de nombreux kystes), qui est une des maladies génétiques les plus fréquentes.
Facteurs de risque
Insuffisance rénale aiguë (IRA)
Les facteurs de risque de l’IRA sont bien connus. Ce sont principalement tous les états qui amènent une déshydratation sévère (diarrhées et/ou vomissements importants) ou une baisse du débit cardiaque (hémorragie massive, infarctus du myocarde ou arrêt cardiaque), ainsi que la prise de médicaments potentiellement toxiques pour les reins comme les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS : Aspirine, Brufen, Voltarène, etc.), très fréquemment utilisés pour leur effet antalgique.
Insuffisance rénale chronique (IRC)
Les principaux facteurs de risque de l’IRC sont l’hypertension artérielle, le diabète, l'obésité et des antécédents personnels ou familiaux de maladies rénales (polykystose rénale, malformations des voies urinaires, infections urinaires répétées dans l’enfance, etc.).
Traitements
Le traitement de l’insuffisance rénale aiguë ou chronique est avant tout conservateur. Il cherche à limiter à la fois les conséquences néfastes de la baisse de la fonction rénale (épuration et maintien de l’équilibre en eau et sels minéraux) et endocrinienne des reins (production d’érythropoïétine et transformation de la vitamine D).
En pratique, il s’agit de contrôler les œdèmes et l’hypertension artérielle par l’administration de médicaments diurétiques et antihypertenseurs, l’acidification du sang par du bicarbonate et l’anémie sévère par du fer et de l'érythropoïétine. Le traitement des maladies éventuellement associées (diabète, cholestérol élevé) se poursuit en parallèle.
Le recours à l'épuration extrarénale (dialyse) devient nécessaire aux stades sévères de l’insuffisance rénale aiguë ou chronique. Elle repose sur deux techniques : l'hémodialyse ou la dialyse péritonéale. Les séances de dialyse s'effectuent souvent dans des hôpitaux ou des centres spécialisés, plusieurs fois par semaine et, en ce sens, le traitement est relativement contraignant, particulièrement lors des voyages ou de déplacements. Si le malade doit voyager, il doit préalablement prendre contact avec le centre de dialyse le plus proche de sa destination pour organiser les séances de dialyse nécessaires durant son séjour.
- l’hémodialyse consiste à épurer le sang en le faisant passer dans un appareil extérieur au corps (rein artificiel). Une séance dure en général 3-4 heures
- la dialyse péritonéale consiste à infuser un liquide pendant quelques heures dans l’abdomen. Lorsque le sang traverse les capillaires (tout petits vaisseaux sanguins) du péritoine (membrane enveloppant les intestins), les substances toxiques qu’il contient passent dans la cavité abdominale et peuvent ainsi être éliminées lorsque le liquide est à nouveau retiré de l’abdomen. Ce traitement est répété plusieurs fois par jour et les manipulations pour infuser et retirer le liquide de l’abdomen durent environ 45 minutes
La personne dialysée doit être attentive à son alimentation et aux quantités de liquides qu’elle boit particulièrement si elle n’urine plus.
Une transplantation (greffe) rénale peut être envisagée lorsqu’il n’y a pas de contre-indications (risque opératoire jugé trop élevé ou présence de maladies qui pourraient être aggravées par le traitement antirejet, telles que cancers ou infections). Le rein greffé provient d’un donneur vivant, ou d’un donneur décédé (c’est-à-dire d’une personne en mort cérébrale mais dont les reins peuvent être prélevés).
Lorsqu’elle réussit, la greffe rénale permet d’arrêter les séances de dialyse et de reprendre une vie (presque) normale. Un médicament antirejet pour toute la vie et des contrôles médicaux réguliers sont cependant indispensables.Evolution et complications possibles
Avec le vieillissement de la population, les insuffisances rénales, tant aiguës que chroniques, sont devenues un problème de santé publique majeur. L’insuffisance rénale chronique représente d’ailleurs un facteur de risque important pour les maladies cardiovasculaires (en raison des complications qu’elle engendre). Préserver une bonne fonction rénale est impératif pour rester en bonne santé.
En en cas d'insuffisance rénale aiguë, sans épuration extrarénale (dialyse), l'évolution est souvent fatale si la fonction rénale ne reprend pas rapidement après le traitement de sa cause.
Sans dialyse ou transplantation, l'évolution d’une insuffisance rénale chronique avancée conduit toujours au décès.
En revanche, hormis les contraintes qui lui sont liées, la dialyse permet de maintenir des conditions de vie relativement bonnes et une transplantation rénale réussie permet d’avoir une vie presque normale.
Prévention
Insuffisance rénale aiguë (IRA)
Pour éviter la survenue d’une IRA, qui se produit très fréquemment chez les personnes âgées (elle se surajoute souvent à une insuffisance rénale chronique sous-jacente), il faut avant tout garantir une bonne hydratation et recourir le moins possible à des médicaments toxiques pour les reins, notamment les anti-inflammatoires non stéroïdiens (Aspirine, Brufen, Voltarène, etc.).
Le contrôle de la tension artérielle est primordial, mais certains des médicaments utilisés dans ce but peuvent paradoxalement être nuisibles en cas de déshydratation majeure. Par exemple, lors d’une gastro-entérite avec des diarrhées ou des vomissements importants, le médecin pourra décider d'interrompre provisoirement le traitement antihypertenseur afin d'éviter d’aggraver la baisse de perfusion des reins occasionnée par la déshydratation.
Insuffisance rénale chronique (IRC)
Etant donné que l’IRC est très souvent associée à une maladie (obésité, diabète, athérosclérose, hypertension artérielle), l’adoption précoce d’un mode de vie sain et/ou le traitement des maladies associées sont susceptibles d’éviter ou de retarder l’apparition d’une IRC.
En cas d'insuffisance rénale chronique, il faut éviter les médicaments toxiques et assurer un contrôle optimal de la pression artérielle et du diabète afin de freiner la progression de la baisse de la fonction rénale. On recommande également, en tout cas dans les formes modérées d’IRC, une alimentation riche en alcalis (fruits et légumes) qui est liée une dégradation plus lente de la fonction rénale, contrairement à une alimentation plus riche en acides (grande quantité de protéines animales). Le danger d’un excès de potassium (dont la teneur est élevée dans les fruits et les légumes) n’apparait qu’aux stades très avancés de l’IRC.
Quand contacter le médecin ?
Tout patient avec une insuffisance rénale chronique devrait être suivi régulièrement par son médecin traitant, éventuellement avec l’aide d’un néphrologue dans les stades avancés de la maladie.
L’apparition de tout nouveau symptôme (par exemple : fatigue inhabituelle, maux de tête, peine à souffler, troubles digestifs) doit être signalée au médecin qui décidera alors si un contrôle de la fonction rénale est nécessaire.
Informations utiles au médecin
Lorsque le médecin envisage un diagnostic d’insuffisance rénale, il cherche à savoir de quelles autres maladies souffre la personne, si des membres de la famille ont également des maladies rénales et quels sont les éventuels facteurs de risque. Il s’informe également sur les médicaments que la personne a pris afin de vérifier leur éventuelle toxicité sur les reins.
Examens
La démarche diagnostique en présence d’une insuffisance rénale aiguë ou chronique repose avant tout sur la mesure et la surveillance de la fonction rénale par le dosage de la créatinine dans le sang (dont le taux reflète la fonction rénale).
L’examen des urines, l'échographie urinaire et le scanner permettent de clarifier la cause d'une insuffisance rénale aiguë. Une ponction biopsie rénale (prélèvement d’un petit fragment de rein sous anesthésie locale) est parfois nécessaire pour poser un diagnostic précis (après coloration et examen au microscope).
En présence d’une insuffisance rénale, la mesure des signes vitaux (fréquence cardiaque, pression artérielle, fréquence respiratoire) et du débit urinaire est très importante.
Références
- L’insuffisance rénale aiguë en 2008. Belen Ponte et Patrick Saudan. Rev Med Suisse 2008;4:568-75
- Traitement de l’insuffisance rénale chronique : stratégie thérapeutique. Xavier Belenfant et coll. Presse Med 2012;41:304-10