La maladie de Crohn est une inflammation chronique du tube digestif qui évolue par poussées entrecoupées de rémissions
Brève description
La maladie de Crohn est une inflammation chronique du tube digestif, pouvant s’étendre de la bouche à l’anus. Elle peut en effet atteindre n’importe quel segment de l’intestin (œsophage, estomac, intestin grêle, colon ou rectum), mais tous ne sont pas forcément concernés en même temps. Elle évolue par phases : les crises (ou poussées) alternent avec des périodes de rémission (absence temporaire de symptômes).
La maladie touche un peu plus souvent les femmes que les hommes (1,4 femme pour 1 homme) et se déclare le plus souvent vers l’âge de 20-30 ans ; elle peut toutefois apparaître plus tard, ou parfois, plus précocement, chez les enfants.
Grâce aux traitements (hygiène de vie, médicaments, chirurgie), on peut contrôler l’apparition des crises, mais on ne guérit pas de la maladie de Crohn.
Bien qu’apparentée à la maladie de Crohn, la colite ulcéreuse (parfois aussi appelé rectocolite hémorragique) touche uniquement le côlon et le rectum et se manifeste par la présence de davantage de sang dans les selles. La maladie est plus fréquente chez les hommes (1,2 homme pour une femme).
Symptômes
La maladie de Crohn se caractérise par les symptômes suivants :
- des douleurs et des crampes abdominales, le plus souvent après les repas
- de fortes diarrhées, parfois sanglantes, et aussi nocturnes
- un malaise général
- une anémie
- une perte de poids pouvant conduire à des carences (fer, vitamine B12, vitamine D, acide folique, zinc, sélénium)
- de la fièvre
- des sudations nocturnes
- une fatigue importante
- des manifestations extra-intestinales (à distance du tube digestif), telles que des lésions oculaires ou cutanées, des aphtes dans la bouche, des atteintes du foie et des reins, de l’arthrite (douleurs et inflammation d’une ou plusieurs articulations), de l’ostéoporose, etc.
- l’apparition de fistules (voir Evolution et complications).
Causes
La maladie de Crohn est due à une inflammation persistante du tube digestif. Les causes de l’inflammation sont peu claires et vraisemblablement multiples, impliquant des facteurs génétiques, immunitaires (dérèglement qui s’exprime par une réaction de défense exagérée) et environnementaux.
Facteurs de risque
Dans la plupart des cas, on ignore ce qui déclenche initialement la maladie. Il existe cependant de nombreux facteurs de risque qui augmentent la probabilité de la développer, en particulier :
- le tabac
- l’environnement : une hygiène excessive, propre au mode de vie occidental (stérilisation de la chaîne alimentaire notamment)
- la prise d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), qui altèrent la barrière intestinale (qui protège en principe contre des agents pathogènes ou des antigènes indésirables)
- les infections, car elles stimulent le système immunitaire. Or, chez les personnes souffrant d’une maladie de Crohn, la réponse immunitaire a déjà tendance à être exagérée
- le stress : les études montrent que le stress peut déclencher des rechutes, mais il n’est pas responsable de la survenue initiale de la maladie
- une prédisposition génétique : une soixantaine de mutations génétiques prédisposent à la maladie de Crohn. Ces mutations perturbent l’équilibre entre la flore intestinale (bactéries naturellement présentes dans l’intestin) et la tolérance immunitaire (capacité du système immunitaire à reconnaître un antigène sans déclencher une réaction de défense). Ces bactéries «endogènes» (naturellement présentes dans l’intestin) sont ainsi perçues comme ennemies par l’organisme qui déclenche alors une réponse immunitaire excessiveLe plus haut risque de développer la maladie se retrouve chez les frères ou sœurs des personnes qui en sont atteintes (il est estimé à 15% pour les frères et sœurs, et à 50% pour les vrais jumeaux). Le risque est de 5% seulement pour les descendants des personnes souffrant d’une maladie de Crohn.
Traitement
Actuellement, la maladie de Crohn ne peut pas être guérie. Toutefois, elle peut être mise en rémission (état de retour à une santé quasi normale), en général avec un traitement médical continu.
Les résultats du traitement et le suivi des patients sont meilleurs s’ils sont conduits en collaboration par le gastro-entérologue et le médecin-traitant, parfois avec aussi d’autres spécialistes (chirurgiens, nutritionnistes, psychologues, etc.).
Traitements non médicamenteux
En dehors de tout traitement médicamenteux, il convient de :
- renoncer au tabac
- éviter les facteurs de stress pouvant déclencher une crise
adopter une bonne hygiène de vie (notamment manger des portions raisonnables ; il n’y a pas de régime standard pour la maladie de Crohn, la diète peut varier en fonction de la localisation de l’atteinte, des opérations éventuelles, des allergies, etc.)
Traitements médicamenteux
Les traitements médicamenteux ont tous pour objectif de calmer la réaction inflammatoire (effet anti-inflammatoire) et la réponse immunitaire excessive (effet immunosuppresseur). Certains sont à prendre durant les crises seulement, d’autres même en période de rémission, pour tenter de réduire le nombre de crises.
Il existe plusieurs sortes de médicaments :
- les anti-inflammatoires à base demésalazine(Pentasa ; Asacol ; Salofalk) : ils agissent localement sur la surface du tube digestif pour calmer les douleurs et les crampes
- les dérivés de la cortisone (Prednisone,Spiricort, etc.). Ce sont des substances puissantes, utilisées pendant les phases de crises (poussées)
- les immuno-modulateurs à base d’azathioprine(Immurek, Azarek, etc.) ou deméthotrexate, qui permettent de calmer le système immunitaire hyperactif
- les médicaments biologiques (qui bloquent l’action des messagers de l'inflammation), tels que les anticorps et autres agents anti-TNF, qui combinent un effet anti-inflammatoire et immunomodulateur (Remicade, Humira, Cimzia)
- les médicaments de soutien comme les anti-diarrhéiques (Imodium), mais ceux-ci sont utilisés seulement pour soulager les symptômes gênants.
Traitements chirurgicaux
La chirurgie est indiquée pour traiter les complications de la maladie (fistules (voir Evolution et complication), perforations dans l’abdomen, rétrécissement de l’intestin (sténose), etc.).
Elle consiste à retirer les segments très enflammés de l’appareil digestif, dans l’espoir d’une rémission de la maladie. Cette approche est toujours efficace à court terme mais le risque que l’inflammation récidive ailleurs est de plus de 50% à deux ans si aucun traitement médicamenteux n’est débuté après l’opération. Il faut donc conserver le plus possible d’intestin.
Dans les cas les plus sévères, notamment après une ablation du rectum, il peut-être nécessaire de poser une poche pour recueillir les selles à l’extérieur du corps (colostomie).
Evolution et complications possibles
Sans traitement, ou si elle répond insuffisamment à celui-ci, la maladie peut évoluer vers des complications. Diverses complications peuvent survenir comme :
- la formation de fistules («trous» faisant communiquer un organe ou une cavité avec un autre, par exemple entre le côlon et la vessie, le côlon et le vagin, la vessie et le vagin ou l’anus et la peau. Ces fistules peuvent ainsi mettre en relation des organes différents et des selles peuvent couler à l’extérieur du corps, par le vagin par exemple.
- la formation de sténoses (rétrécissements du tube digestif), pouvant aller jusqu’à bloquer complètement le déplacement du contenu intestinal en direction du rectum
- une très forte inflammation de certaines parties de l’intestin, pouvant parfois nécessiter une opération pour les retirer
la survenue d’effets indésirables dus à la prise d’immunosuppresseurs ou de traitements biologiques. Il s’agit principalement d’infections dues à une baisse des défenses immunitaires.
Prévention
Il n’existe aucun moyen de prévention pour éviter le déclenchement initial de la maladie chez les personnes qui pourraient y être prédisposées.
Pour prévenir les rechutes, il est conseillé aux malades de :
- renoncer au tabac
- éviter les facteurs de stress pouvant déclencher une crise
- adopter une bonne hygiène de vie, comme renoncer aux anti-inflammatoires et éviter la fatigue excessive
- suivre le traitement prescrit par le médecin, même en l’absence de symptômes (période de rémission).
Quand contacter le médecin ?
Pour les personnes (en particulier les jeunes) chez qui il n’a pas été diagnostiqué une maladie de Crohn, il est fortement conseillé de consulter son médecin en présence de :
- diarrhées qui durent depuis plusieurs semaines
- douleurs abdominales vives qui se prolongent
Pour les personnes atteintes de la maladie de Crohn, Il faut téléphoner au 144 ou se rendre aux urgences :
- si des selles s’écoulent par exemple par le vagin (signe de perforation ou de fistule)
- en présence de douleurs très intenses associées à de la fièvre (> 37,5°C)
Il faut appeler son médecin habituel ou la centrale de garde sans attendre en présence de :
- quinze à vingt selles liquides/diarrhées par 24 heures
- fièvre (38 C°)
Informations utiles au médecin
Pour poser le diagnostic ou suivre la maladie et son traitement, le médecin s’intéressera à :
- la durée des symptômes
- la présence de manifestations extra-intestinales (lésions cutanées, oculaires, arthrite, aphtes, etc.)
- savoir si la personne fume ou non
- la présence de selles la nuit
- l’existence de sudations nocturnes
- la présence de fièvre
- l’existence d’une perte de poids chronique (consécutive aux diarrhées)
Examens
Pour confirmer le diagnostic et connaître l’étendue de la maladie, le médecin pourra demander les examens suivants :
- une prise de sang pour mesurer les paramètres de l’inflammation, comme la protéine C réactive ou la vitesse de sédimentation, et rechercher une éventuelle augmentation du nombre de globules blancs
- une culture des selles pour exclure une infection et pour doser la calprotectine, une protéine présente dans les selles lorsqu’il y a une inflammation
- une coloscopie, qui est l’examen de référence pour confirmer le diagnostic de la maladie de Crohn. L’examen permet de visualiser l’intérieur du côlon et de la fin de l’intestin grêle atteintes, et de procéder à des biopsies (prélèvements de petits fragments de tissus pour les examiner ensuite, par exemple au microscope).
Pour ce faire, on introduit un endoscope dans l’anus, le plus souvent sous anesthésie- un scanner ou un examen par vidéocapsule peuvent aussi être utiles pour confirmer le diagnostic ou définir l’extension de la maladie. La vidéocapsule est une capsule contenant un appareil photo miniature. Une fois avalée, elle prend des photos du système digestif et les envoie à un boîtier que porte le patient. Ce type d'endoscopie est principalement utilisé pour examiner l'intestin grêle (non accessible par les autres types d'endoscopie, tels que la coloscopie ou la gastroscopie)
- une gastroscopie peut être indiquée si une atteinte digestive haute est suspectée
Références
Recommandations de l’European Crohn and Colitis Organisation
Sites internet
- Association Suisse des maladies de Crohn et Colite ulcéreuse
- Association française François Aupetit, consacrée aux maladies inflammatoires chroniques intestinales (MICI)
Crohn’s and Colitis Foundation of America (en anglais)