Peu connu, c’est pourtant un organe majeur. On ne le prend en compte qu’à partir de l’apparition des symptômes qui se manifestent le plus souvent dans la douleur. Et là, une prise en charge indispensable.En chiffres
Le pancréas est long de 12 à 15 cm, large de 1 cm et a un diamètre d’environ 2 à 3 cm. Son poids varie entre 30 et 50 g. 98 % de ses sécrétions sont des enzymes digestives, et 2 % sont des cellules qui sécrètent de l’insuline et du glucagon, régulateurs du taux de sucre dans le sang. Il produit chaque jour 1,5 l de suc pancréatique.
Logé au plus profond de l’abdomen, le pancréas fait partie de ces organes qu’on connaît peu et dont on se plaint rarement. Sauf si l’on souffre d’une pathologie aiguë. Contrairement au foie ou à la rate, c’est un organe mou, relativement petit et assez fragile à manipuler pour les chirurgiens, qui ressemble à une banane aplatie. Il est placé horizontalement dans la cavité abdominale, sa partie supérieure est située à peu près à la hauteur de la rate et sa partie inférieure dans la courbe du duodénum (partie de l’intestin grêle rattachée à l’estomac) avec lequel il communique. Les trois parties qui le composent –la tête, le corps et la queue– sont constituées de petits lobes de 2 à 3 mm agglomérés.
«Le pancréas est une glande qui a deux fonctions majeures, explique le Pr Philippe Morel, chef du service de chirurgie viscérale aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). Premièrement, il sécrète les enzymes pancréatiques, qui contribuent à la digestion des aliments.» Parmi la trentaine d’enzymes digestives, on distingue notamment les protéases, qui digèrent les protéines, les lipases, qui assimilent les graisses, et les amylases, qui digèrent les hydrates de carbone. Elles forment ensemble le suc pancréatique, lequel transite par un canal pour être acheminé dans le duodénum, où sont fragmentés les aliments. Grâce à cette opération, les différents nutriments sont redistribués dans l’organisme. Voilà pour la partie dite «exocrine» du pancréas. «La deuxième fonction du pancréas est la sécrétion d’hormones (insuline et glucagon) chargées de réguler le taux de sucre dans le sang. C’est sa partie dite "endocrine"», poursuit le spécialiste.
La pancréatite
Différentes pathologies troublent ces mécanismes bien rodés qui font du pancréas un organe essentiel. «Si on enlève le pancréas à un patient, sa digestion ne peut pas se faire et il développe un diabète de type 1, potentiellement mortel. Néanmoins, la prise de comprimés d’enzymes digestives et l’injection d’insuline peuvent palier son absence et assurer la survie.»
Les atteintes du pancréas ne sont jamais anodines. Les pancréatites (de type aigu ou chronique) sont fréquentes. Ces inflammations occasionnent des dysfonctionnements de l’organe et des dommages, y compris dans les tissus voisins. Au lieu de s’activer dans l’intestin, les enzymes digestives exercent leur action dans le pancréas, puis dans le ventre. Des œdèmes (accumulation de liquide) peuvent s’y former, de même que dans la région abdominale, avec un risque de nécrose. Dans sa forme aiguë, une pancréatite provoque des douleurs soudaines et violentes au niveau de la ceinture abdominale, irradiant parfois jusque dans le dos, avec de la fièvre, parfois des nausées et des vomissements, des sueurs froides, une chute de tension, de la tachycardie. Parmi ses causes, on trouve les calculs biliaires qui migrent et obstruent le canal pancréatique, et donc bloquent les sécrétions. Le pancréas s’enflamme et n’est plus fonctionnel. Un abus d’alcool, des médicaments, une chute sévère de tension, une intervention chirurgicale, des facteurs auto-immuns peuvent aussi en être à l’origine –dans certains cas, cependant, la cause demeure inconnue.
La pancréatite aiguë nécessite une hospitalisation visant à contrôler l’inflammation et à limiter les conséquences (douleurs, infections, etc.) de la libération des enzymes digestives. Le traitement a pour but également de supprimer la cause de l’inflammation. Dans les cas les plus sérieux, il faut opérer. La pancréatite chronique peut être consécutive à une pancréatite aiguë, mais peut aussi résulter d’autres facteurs (abus d’alcool, maladies, etc.). A la longue, des calcifications et fibroses altèrent le fonctionnement du pancréas. Une modification de l’apparence des selles et une perte de poids, entre autres symptômes, s’ajoutent aux douleurs. On cherche là aussi à traiter la cause, à soulager la douleur et à améliorer le fonctionnement de l’organe par des médicaments.
Un pancréas artificiel aidera bientôt les diabétiques à gérer leur taux de sucre
Chaque année en Suisse, plus de 400 nouveaux diabétiques sont diagnostiqués. Chez les diabétiques de type 1, le pancréas ne produit plus assez d’insuline, hormone qui sert à réguler le taux de sucre dans le sang. Cela les contraint à s’injecter de l’insuline plusieurs fois par jour, en fonction des valeurs de glycémie mesurées et de la quantité d’hydrates de carbone (sucres) ingérée, cela afin d’éviter la survenue d’une hypoglycémie (pas assez de sucre dans le sang) ou d’une hyperglycémie (trop de sucre). Parmi les solutions thérapeutiques, la mise au point d’un pancréas artificiel fait l’objet de nombreux travaux. Il s’agit d’une pompe à insuline, d’un micro-ordinateur intégré à un smartphone et d’un senseur glycémique qui mesure de manière continue le taux de glycémie. Grâce à des algorithmes, le système est capable d’anticiper les montées et les descentes du taux de glycémie et de délivrer la quantité d’insuline nécessaire. Cet appareillage, bientôt disponible, devrait permettre aux patients de se reposer sur un système automatique et d’améliorer l’équilibre du diabète. Toutefois, il ne dispensera pas de calculer la quantité de sucres ingurgitée durant les repas. Aussi, explique le Dr Giacomo Gastaldi, médecin adjoint à l’unité d’endocrinologie des HUG, tant que «le calcul des hydrates de carbone n’est pas maîtrisé et que le patient n’est pas prêt à être appareillé avec un tel système, celui-ci reste imparfait. Néanmoins, les progrès réalisés dans le domaine sont conséquents et prometteurs, comme le montrent de nombreuses publications.»
Un cancer redoutable
Le pancréas est parfois affecté par des kystes, des tumeurs bénignes ou, plus grave, par un cancer. Ce dernier est, en effet, l’un des plus redoutables qui soient (le tabac est le facteur de risque le plus important). Il se manifeste comme un véritable coup de tonnerre, explique le Pr Morel: «Ses symptômes sont tapageurs. En plus des douleurs, le patient développe une jaunisse caractéristique, associée à une grande faiblesse, une fatigue et un amaigrissement.» La majeure partie des cancers du pancréas se développent à partir des cellules glandulaires exocrines, celles qui produisent les enzymes digestives. «Tout commence le plus souvent dans la tête du pancréas, avec une obstruction du canal pancréatique qui empêche les sécrétions de s’écouler normalement», poursuit le spécialiste. La tumeur crée un bouchon dans les canaux biliaires et le foie s’engorge de bile et la déverse dans le sang, d’où l’apparition d’une jaunisse.
Lorsqu’on suspecte la maladie, un scanner, une endoscopie et des tests sanguins sont réalisés au plus vite. Hormis ces examens, aucun dépistage ne permet de prévenir ce cancer ni d’améliorer son pronostic. Si ce dernier est sombre, le Pr Morel assure que les chances de survie des patients se sont un peu améliorées ces dernières années mais restent faibles. Désormais, entre 15 et 20% des patients survivent après cinq ans. Pour l’heure, la combinaison des traitements (chimiothérapie, radiothérapie, chirurgie) représente la meilleure option. De nouveaux régimes de chimiothérapies, associant plusieurs molécules, en combinaison à de la radiothérapie augmentent eux aussi la survie des patients.