À l'occasion de la Journée mondiale contre le diabète, le Centre européen d'étude du diabète fait le point sur trois stratégies thérapeutiques qui pourraient changer la donne dans le traitement de cette maladie.
DIABÈTE. La pandémie galopante de diabète touche désormais quelque 422 millions de personnes au niveau mondial, soit quatre fois plus qu'au début des années 1980. Type 1 et type 2 confondus, ce sont 5 millions de patients concernés par le diabète en France, sans compter les 800.000 qu'on estime touchés sans être diagnostiqués... À l'occasion de la journée mondiale contre le diabète, le 14 novembre 2016, le Centre européen d'étude du diabète (CEED), structure de recherche translationnelle basée à Strasbourg, a présenté l'avancement de trois projets prometteurs dans la prise en charge du diabète en présence du président directeur Michel Pinget, professeur émérite à la Faculté de médecine de Strasbourg et ancien chef de service endocrinologie au CHU de Strasbourg.
Le pancréas bioartificiel, meilleure alternative à la greffe ?
L'une des stratégies de prise en charge d'un diabète de type 1 sévère, très instable, consiste en la greffe d'îlots pancréatiques. Réalisée pour la première fois en 1999, elle est une alternative aux injections pluriquotidiennes d’insuline très contraignantes pour les patients. Les îlots de Langerhans (ou pancréatiques) situés dans le pancréas sont des groupes de cellules endocrines chargés de sécréter l'hormone régulatrice du taux de sucre dans l'organisme : l'insuline. Chez les malades, ces îlots ne fonctionnent plus correctement, d'où le déficit d'insuline. Il s'agit donc de greffer des îlots prélevés chez des donneurs dans le foie de receveur. Mais la procédure est complexe et il est difficile de protéger les cellules bêta dans un environnement qui ne leur est pas destiné. Par ailleurs, la greffe nécessite un traitement immunosuppresseur (anti-rejet) lourd, aux "conséquences parfois plus nocives que le diabète lui-même", précise le Pr Michel Pinget.
Le pancréas bioartificiel permettrait d'optimiser la greffe des îlots. Il s'agit d'une poche faite d'une membrane biocompatible implantée sous la paroi abdominale du patient. À l'intérieur, sont placés des îlots prélevés chez des donneurs humains. La perméabilité de cette membrane permet de laisser passer le glucose dans un sens, et l'insuline dans l'autre sens. Ainsi les îlots peuvent-ils être stimulés à sécréter de l'insuline relâchée dans l'organisme. Mais elle ne laisse pas de prise au système immunitaire et ne nécessite donc pas de traitements anti-rejet. Surtout, la libération d'insuline se ferait en fonction des besoins de l'organisme pour obtenir une glycémie stable.
Le projet doit faire l'objet d'un essai clinique de phase 1, visant à confirmer la sécurité de la procédure, auprès de 6 patients européens dès le premier trimestre 2017. "Ces essais auraient dû commencer en 2016, mais les freins réglementaires étaient encore trop nombreux", précise le Pr Pinget.
L'insuline orale, pour en finir avec les piqûres
Un diabétique qui se traite depuis 20 ans à raison de 3 à 4 injections d'insuline et de tout autant de contrôles glycémiques chaque jour sera piqué près de 50.000 fois. Cela constitue un frein à la bonne observance du traitement. Afin d'améliorer le confort des malades, mais aussi permettre un meilleur contrôle de la glycémie, une administration orale (par gélule) d'insuline est une option de plus en plus crédible. Un obstacle : l’insuline est digérée lorsqu'on l’avale. Il s'agit donc de permettre à l’insuline d’arriver intacte et encore biologiquement active au niveau de sa cible : le foie. L'idée est donc d'acheminer l'insuline à travers l'oesophage, l'estomac puis l'intestin. Pour cela, une simple gélule ne suffit pas. Les chercheurs du CEED ont ainsi mis au point une technique de double encapsulation : un "véhicule" résistant aux sucs gastriques de l'estomac protège des nanoparticules dans lesquelles l'insuline est comme emprisonnée. Les nanoparticules finalement libérées dans l’intestin protègent l’insuline et permet sa libération dans le sang. L'efficacité et l'innocuité de cette technique de double encapsulation ont été validées in vivo.
Le muscle, nouvelle glande endocrine contre le diabète ?
Les chercheurs du CEED explorent un phénomène de communication croisée entre les muscles et les cellules bêta-pancréatiques. L'objectif est d'apporter une explication cellulaire aux aspects bénéfiques du sport sur la maladie. "On a découvert que certaines molécules sécrétées par l'activité musculaire, des myokines, pouvaient avoir un effet bénéfique sur le pancréas, explique le Dr Karim Bouzakri. C'est un véritable dialogue qui s'instaure entre le muscle et le pancréas par l'intermédiaire de ces myokines." À tel point que le Pr Minget n'hésite pas à expliquer que "plus qu'un simple organe contactile, le muscle devient presque une glande endocrine à part entière". En effet, certaines myokines auraient une influence directe sur la régulation de l'insuline par l'organisme. "On cherche à savoir quelles myokines ont le meilleur effet protecteur pour le pancréas", précise le Dr Karim Bouzakri. En réalité, les chercheurs pensent en avoir identifié une : "On va l'appeler la myokine X car le brevet que nous avons déposé est en train d'être examiné", s'amuse le Pr Minget. À terme, le CEED espère mettre au point une solution thérapeutique utilisant ces myokines pour prévenir le développement du diabète.