La cystite interstitielle : qu’est-ce que c’est ?
La cystite interstitielle est une maladie de la vessie rare mais invalidante qui a changé de nom. Elle s’appelle désormais le syndrome de la vessie douloureuse. Elle se caractérise par des douleurs au bas-ventre et des envies fréquentes d’uriner, le jour comme la nuit. Ces douleurs et ces envies d’uriner sont souvent très intenses, parfois insupportables, au point que la cystite interstitielle peut constituer un véritable handicap social, empêchant des personnes de sortir de chez elles. Les douleurs peuvent aussi toucher l’urètre (canal qui conduit l’urine de la vessie vers l’extérieur) et, chez la femme, le vagin (voir schéma). Le fait d’uriner (la miction) soulage partiellement ou complètement ces douleurs. La cystite interstitielle touche surtout les femmes. Elle peut se déclarer à tout âge à partir de 18 ans. Pour l’instant, on ne dispose pas de traitement curatif contre cette affection, qui est considérée comme chronique.
Attention de ne pas confondre cystite interstitielle et cystite : la cystite « classique » est une infection urinaire causée par des bactéries; la cystite interstitielle n’est pas une infection et sa cause n’est pas connue.
Remarque. En 2002, l’International Continence Society (ICS), a publié des recommandations suggérant d’utiliser le terme « cystite interstitielle-syndrome de vessie douloureuse » plutôt que celui de cystite interstitielle seul. En fait, la cystite interstitielle fait partie des syndromes de la vessie douloureuse, mais elle s’accompagne de caractéristiques particulières visibles à l’examen, dans la paroi de la vessie.
Prévalence
Selon l’Association de la cystite interstitielle du Québec, environ 150 000 Canadiens sont touchés par cette maladie. Il semble que la cystite interstitielle soit moins fréquente en Europe qu’en Amérique du Nord. Il est toutefois difficile d’obtenir une évaluation précise du nombre de personnes touchées, car la maladie est sous-diagnostiquée. On estime qu’il existe entre 1 et 7 personnes souffrant de cystite interstitielle pour 10 000 individus en Europe. Aux Etats-Unis, cette maladie plus fréquente concernerait une personne sur 1 500.
La cystite interstitielle touche environ de 5 à 10 fois plus de femmes que d’hommes. Elle est généralement diagnostiquée vers 30 ans à 40 ans et 25 % des personnes atteintes ont moins de 30 ans.
Causes
Dans la cystite interstitielle, la paroi interne de la vessie est siège d’anomalies inflammatoires visibles. De petites plaies présentes sur cette paroi de l’intérieur de la vessie peuvent laisser suinter un peu de sang et sont à l’origine des douleurs et de l’envie impérieuse de vider la vessie de l’urine acide.
L’origine de l’inflammation observée dans la cystite interstitielle n’est pas connue avec certitude. Certaines personnes relient son apparition à une intervention chirurgicale, à un accouchement ou à une grave infection de la vessie, mais dans bien des cas, elle semble survenir sans cause déclenchantes. La cystite interstitielle est probablement une maladie multifactorielle, faisant intervenir de plusieurs causes.
Plusieurs hypothèses sont à l’étude. Les chercheurs évoquent celles d’une réaction allergique, d’une réaction auto-immune ou d’un problème neurologique dans la paroi de la vessie. Il n’est pas exclu que des facteurs héréditaires y contribuent aussi.
Voici les pistes les plus souvent évoquées :
- Altération de la paroi de la vessie. Pour une raison inconnue, la couche protectrice tapissant l’intérieur de la vessie (cellules et protéines) est altérée chez de nombreuses personnes atteintes de cystite interstitielle. Cette couche empêche normalement les substances irritantes contenues dans l’urine d’entrer directement en contact avec la paroi de la vessie.
- Couche protectrice intravésicale moins efficace. Chez les personnes souffrant de cystite interstitielle, cette couche protectrice agirait de façon moins efficace. L’urine pourrait donc irriter la vessie et entraîner une inflammation et une sensation de brûlure, comme lorsqu’on applique de l’alcool sur une plaie.
- Une substance appelée AFP ou facteur antiprolifératif se trouve présente dans l’urine des personnes souffrant de cystite interstitielle. Elle est peut-être en cause, car elle semble inhiber le renouvellement naturel et régulier des cellules tapissant l’intérieur de la vessie.
- Maladie auto-immune. L’inflammation de la vessie pourrait être due à la présence d’anticorps nocifs s’attaquant à la paroi de la vessie (réaction auto-immune). De tels anticorps ont été retrouvés chez certaines personnes atteintes de cystite interstitielle, sans que l’on sache s’ils sont la cause ou la conséquence de la maladie.
- Hypersensibilité des nerfs de la vessie. Les douleurs ressenties par les personnes atteintes de cystite interstitielle pourraient être des douleurs « neuropathiques », c’est-à-dire causées par le dysfonctionnement du système nerveux de la vessie. Ainsi, une toute petite quantité d’urine suffirait à « exciter » les nerfs et à déclencher des signaux douloureux plutôt qu’une simple sensation de pression.
Évolution
Le syndrome évolue différemment d’une personne à l’autre. Au début, les symptômes tendent à apparaître puis à disparaître d’eux-mêmes. Les périodes de rémission peuvent durer plusieurs mois. Les symptômes ont plutôt tendance à s’aggraver avec les années. Dans ce cas, les douleurs s’accentuent et les envies d’uriner deviennent plus fréquentes.
Dans les cas les plus graves, le besoin d’uriner peut se produire jusqu’à 60 fois par 24 heures. La vie personnelle et sociale est grandement touchée. La douleur est parfois si intense que le découragement et la frustration peuvent mener certaines personnes à la dépression, et même au suicide. Le soutien des proches prend une importance cruciale.
Diagnostic
Selon la clinique Mayo aux États-Unis, les personnes atteintes de cystite interstitielle reçoivent en moyenne leur diagnostic 4 ans après le début de la maladie. En France, une étude conduite en 2009 a montré que le délai diagnostique était encore plus long et correspondait à 7,5 ans21. Cela n’est pas surprenant puisque la cystite interstitielle peut facilement se confondre avec d’autres problèmes de santé : une infection urinaire, de l’endométriose, une infection à chlamydia, une maladie du rein, une vessie « hyperactive », etc...
Le diagnostic est difficile à établir et ne peut être confirmé qu’une fois que toutes les autres causes possibles ont été écartées. De plus, c’est une affection encore mal connue des médecins. Il arrive encore qu’elle soit qualifiée de « problème psychologique » ou imaginaire par plusieurs médecins avant que le diagnostic ne soit posé, alors que l’aspect intérieur de la vessie inflammatoire est très parlant.
Voici les examens les plus couramment réalisés pour diagnostiquer la cystite interstitielle :
- Analyses d’urine. La culture et l’analyse d’un échantillon d’urine permettent de déterminer s’il existe une infection urinaire. Quand il s’agit d’une cystite interstitielle, il n’y a aucun microbe, les urines sont stériles. Mais il peut se trouver du sang dans l’urine (hématurie) parfois même de manière très peu importante (hématurie microscopique auquel cas on voit des globules rouges au microscope, mais pas de sang à l’œil nu). En cas de cystite interstitielle, on peut aussi trouver des globules blancs dans l’urine.
- Cystoscopie avec hydrodistension de la vessie. Il s’agit d’un examen permettant d’observer la paroi de la vessie. Cet examen se pratique sous anesthésie générale. La vessie est d’abord remplie avec de l'eau pour que la paroi soit distendue. Puis, un cathéter muni d’une caméra est inséré dans l’urètre. Le médecin inspecte la muqueuse en la visionnant sur un écran. Il recherche la présence de fines fissures ou de petites hémorragies. Appelés glomérulations, ces petits saignements sont très caractéristiques de la cystite interstitielle et présents dans 95 % des cas. Dans certains cas moins fréquents, il existe même des plaies typiques appelées ulcères de Hunner. Parfois, le médecin procède à une biopsie. Le tissu prélevé est alors observé au microscope pour une évaluation plus approfondie.
- Le bilan urodynamique comprenant une cystométrie et un examen urodynamique peuvent aussi être réalisés.Mais ces examens sont de moins en moins pratiqué, car peu spécifiques donc peu utiles et souvent pénibles. En cas de cystite interstitielle, on découvre avec ces examens que la capacité volumétrique de la vessie est diminuée et que l’envie d’uriner et les douleurs apparaissent pour un volume plus bas que chez une personne ne souffrant pas de cystite interstitielle. Ces examens permettent néanmoins de dépister les hyperactivités de la vessie (vessie hyperactive) une autre maladie fonctionnelle provoquant aussi des envies impérieuses d’uriner.
- Test de sensibilité au potassium. De moins en moins pratiqué, car peu spécifique avec 25 % de faux négatifs (le test fait penser que la personne n’est pas atteinte de cystite interstitielle alors que dans 25 % des cas elle l’est pourtant !) et 4 % de faux positifs (le test fait penser que la personne a une cystite interstitielle alors que ce n’est pas le cas).
À l’aide d’un cathéter inséré dans l’urètre, la vessie est remplie d’eau. Puis, elle est vidée et remplie avec une solution au chlorure de potassium. (Un gel de lidocaïne est préalablement appliqué autour de l’orifice de l’urètre pour réduire la douleur provoquée par l’insertion du cathéter.) Sur une échelle de 0 à 5, la personne indique l’urgence qu’elle sent d’uriner et l’intensité de la douleur. Si les symptômes sont accrus lorsque le test est pratiqué avec la solution au chlorure de potassium, cela peut être un signe de cystite interstitielle. Normalement, aucune différence ne devrait être ressentie entre cette solution et l’eau.
Les symptômes peuvent survenir par « crises » entrecoupées de périodes d’accalmie. Certaines personnes souffrent de douleurs modérées, tandis que d’autres se plaindront de douleurs insupportables et d’envies d’uriner quasiment permanentes. Chez une même personne, l’intensité des symptômes peut également varier énormément d’une semaine à l’autre, voire d’un jour à l’autre. Voici les principaux symptômes :
- Une douleur, sous forme de brûlure ou de spasmes, dans le bas-ventre (région pelvienne) et la région abdominale. Plus la vessie est pleine, plus la douleur est intense. La douleur peut atteindre le bas du dos et le haut des cuisses, ainsi que le vagin, l’urètre et le rectum. Elle est constante ou intermittente, et peut diminuer après avoir uriné.
- Une envie persistante d’uriner, y compris juste après être allé aux toilettes. Le besoin d’uriner se fait sentir jour et nuit, pour évacuer quelques gouttes d’urine chaque fois.
- En plus d’être fréquent, le besoin d’uriner est douloureux et pressant (la personne a du mal à se retenir, sans pour autant qu’il y ait de fuites urinaires). On parle d’urgenturie ou de mictions impérieuses.
- Une sensation de brûlure au moment d’uriner.
- Des douleurs intensifiées au moment des relations sexuelles ou juste après. Les rapports sexuels sont douloureux pour près de la moitié des personnes atteintes.
- Chez les hommes, une sensibilité ou une douleur au pénis ou au scrotum.
Remarques
- Les efforts physiques et les émotions intenses peuvent accentuer les douleurs, tout comme le port de vêtements serrés ou la consommation de certains aliments (voir la partie Traitements).
- Chez les femmes, les symptômes peuvent s’aggraver dans les jours qui précèdent leurs menstruations.
- Environ 30 % des personnes atteintes n’ont pas de douleur. À l’inverse, environ 15 % n’ont que de la douleur, sans envie urgente d’uriner.
- La cystite interstitielle peut s’accompagner d’incontinence urinaire, mais cela est rare.
- Chez certaines personnes, douleurs et inflammations se ressentent aussi dans les articulations, les muscles ou les intestins.
Les personnes et facteurs de risque de la cystite interstitielle
Personnes à risque
- Les femmes. De 80 % à 90 % des personnes atteintes sont des femmes. Cela dit, de plus en plus d’hommes reçoivent le diagnostic de cystite interstitielle.
- Les personnes atteintes d’une autre maladie caractérisée par des douleurs chroniques. En effet, la cystite interstitielle touche plus fréquemment les personnes atteintes de fibromyalgie, du syndrome de l’intestin irritable ou de vulvodynie. Ainsi, le syndrome de l’intestin irritable est 30 fois plus fréquent chez les personnes atteintes de cystite interstitielle que dans la population générale19. Il semble que chez les personnes atteintes par ces différents problèmes de santé, les neurones responsables de transmettre les messages de douleur au cerveau ont une activité accrue. La conséquence serait une sensibilité plus grande à la douleur.
- Les hommes traités pour un trouble de la prostate. En effet, la cystite interstitielle est plus fréquente chez ceux qui souffrent de prostatite, une inflammation de la prostate.
Facteurs de risque
Une étude menée aux États-Unis auprès de 645 femmes a établi une corrélation entre le tabagisme et la cystite interstitielle1. D’autres études sont nécessaires afin de déterminer si le tabagisme contribue réellement à la maladie.
Les traitements médicaux de la cystite interstitielle
Il n’existe pas encore de traitement permettant de guérir définitivement la cystite interstitielle. Cela dit, plusieurs médicaments et traitements peuvent être proposés pour soulager les symptômes. Il faut savoir qu’il existe encore peu de données sur l’efficacité de ces traitements et que certains d’entre eux sont employés à titre expérimental. Puisque chaque personne répond différemment aux traitements, cela peut prendre plusieurs mois avant de trouver celui ou ceux qui conviennent.
Dans les cas où la cystite interstitielle est très handicapante, un suivi dans une clinique de la douleur, auprès d’une équipe médicale spécialisée en douleur chronique, peut être indiqué. (Pour en savoir plus sur l’approche multidisciplinaire proposée en clinique spécialisée, consultez notre article Soulager la douleur chronique ? De l’espoir....)
Médicaments oraux contre la douleur
Il s’agit souvent du premier traitement de soulagement suggéré par le médecin. Le choix du médicament repose en grande partie sur le type de symptôme qui prédomine.
- Les médicaments antalgiques (anti douleur) ou les anti-inflammatoires non stéroïdiens (anti-inflammatoires autres que les dérivés de la cortisone) peuvent soulager les douleurs et l’inflammation. Ils sont rarement suffisants. Il peut s’agir de paracétamol (acétaminophène) ou d’ibuprofène, de naproxène ou par exemple d’acide acétylsalicylique (aspirine)ou même des dérivés de la morphine. Il faut chercher l’association d’anti-douleur et/ou anti-inflammatoires la plus efficace pour chaque personne.
- Les médicaments antispasmodiques, les relaxants musculaires ou encore les anticonvulsivantspeuvent également être utilisés afin de relaxer la vessie autant que possible.
- Les anticonvulsivants comme par exemple la Gabapentine, médicament utilisés pour traiter les douleurs chroniques, car il modifie la transmission nerveuse de la douleur vers le cerveau. Ce médicament est généralement efficace, mais il ne soulage pas la douleur de façon rapide. Il hausse légèrement le seuil au-delà duquel la douleur est ressentie.
- Les médicaments Antidépresseurs. Certains antidépresseurs employés à faibles doses possèdent des propriétés anti-douleur. Ils agissent comme des neuromodulateurs de la douleur. L’amitriptyline (Élavil®) est souvent utilisé et permet de soulager la douleur chez environ deux tiers des personnes atteintes de cystite interstitielle20. Les antidépresseurs inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (fluoxétine ou Prozac®, sertraline) peuvent aussi être utilisés, bien qu'il existe moins de données sur leur utilisation.
- Des médicaments antihistaminiques (antiallergiques) comme par exemple l’hydroxyzine, médicament utilisé contre les allergies, est parfois utilisé. Cependant, peu d’études ont confirmé son efficacité. L’effet sur les symptômes n’apparaitrait qu’au bout de 3 mois environ20. La cimétidine, un autre antihistaminique, semble efficace chez certaines personnes atteintes, d’après plusieurs études récentes19,21. Elle est généralement proposée aux personnes atteintes de cystite interstitielles qui présentent également un terrain allergique.
- Des agents immunosuppresseurs comme par exemple la Cyclosporine A. Une étude a montré que l’administration de cyclosporine A à faible dose était plus efficace que l’administration du pentosan sodique (Elmiron®) pour réduire les symptômes de cystite interstitielle24.
- Le pentosan sodique (Elmiron®) est le seul médicament par voie orale qui est spécifiquement indiqué pour soulager la douleur provoquée par une cystite interstitielle. Il est donc le plus utilisé. Ce médicament adhérerait à la muqueuse qui tapisse l’intérieur de la vessie, la protégeant ainsi des composants irritants de l’urine. L’effet thérapeutique optimal n’apparaît qu’après de 6 à 12 mois de traitement20. Environ 30 % à 60 % des personnes rapportent une diminution de la douleur après 3 mois de traitement. Le pentosan sodique est contre-indiqué chez les femmes enceintes.
- Le cytoprotek : il s’agit d’un complément alimentaire contenant de la quercétine, du sulfate de chondroïtine, du hyaluronate de sodium, et sulfate de glucosamine.
- La Quercétine, un flavonoïde est un pigment donnant ses couleurs aux fruits ou légumes et semble en complément, améliorer les douleurs.
Introduction de liquides dans la vessie (instillations vésicales)
Le médecin peut introduire une solution stérile qui contient un ou plusieurs médicaments dans la vessie en insérant un tuyau (cathéter) dans l’urètre. Ces médicaments agissent alors directement sur la paroi de la vessie. Leur but est de remplacer temporairement la couche superficielle de l’intérieur de la vessie afin qu’elle soit moins irritable. Plusieurs médicaments peuvent être utilisés. Par exemple :
Cystistat® composé de hyaluronate de sodium (sel d'acide hyaluronique).
GepanInstill® ou Uracyst® contiennent du sulfate de chondroïtine.Le médicament le plus fréquemment employé est le diméthyl sulfoxide (DMSO). Selon le cas, la solution doit être conservée dans la vessie de 15 à 60 minutes, puis éliminée en urinant. Elle est généralement administrée toutes les semaines pendant 6 semaines. Le DMSO peut être utilisé seul ou en association avec des corticoïdes ou de l’héparine.
L’héparine peut aussi être utilisée seule. Elle renforce la couche protectrice qui tapisse l’intérieur de la vessie. Les instillations sont généralement hebdomadaires, mais le soulagement est obtenu moins rapidement qu’avec le DMSO.
Plusieurs autres médicaments ont été testés pour soulager les personnes atteintes de cystite interstitielle. Parmi eux, l’acide hyaluronique, la toxine botulinique, la capsaïcine ou encore CG (bacille de Calmette-Guérin) ont montré des résultats prometteurs. Cependant, d’autres études sont nécessaires pour confirmer leur efficacité19,20.
Remarque. Comparativement à la prise de médicaments par voie orale, l’instillation vésicale a l’avantage d’engendrer moins d’effets indésirables. De plus, il est possible d’employer des doses plus élevées de médicaments. L’insertion du cathéter dans l’urètre est cependant douloureuse. L’application préalable d’un gel analgésique de lidocaïne autour de l’orifice de l’urètre permet de l’anesthésier pour mieux supporter ce type de traitement.
Modifications alimentaires
Si l’alimentation augmente le degré d’acidité de l’urine, les douleurs de la cystite interstitielle sont augmentées. Aussi, les personnes atteintes de cystite interstitielle remarquent que leurs douleurs s’aggravent de 2 h à 4 h après avoir mangé certains aliments. Ainsi, jusqu’à 6 personnes sur 10 atteintes de cystite interstitielle peuvent clairement reconnaître des aliments nuisibles responsables de douleurs accrues2. Dans certains cas, une modification du régime alimentaire suffit à soulager les douleurs. D’une personne à l’autre, ce ne sont toutefois pas les mêmes aliments qui exacerbent les symptômes. Il est donc conseillé à chacun de reconnaître les aliments « nocifs » afin de les éviter.
À cet effet, il est très utile de tenir un journal alimentaire consistant à noter le contenu des repas et l’intensité des symptômes. Cette démarche d’observation et d’adaptation de la diète se déroule sur plusieurs mois. L’aide d’une diététicienne ou d’un nutritionniste est fortement recommandée.
Comme premières pistes de recherches, voici divers aliments déclencheurs connus pour accentuer les symptômes chez plusieurs personnes atteintes de cystite interstitielle20.
- Toutes les boissons gazeuses, tous les sodas et colas.
- La caféine ou la théine (café non décaféiné, boisson gazeuse de type cola, thé, chocolat).
- L’alcool (bière, vin blanc, rouge ou rosé, champagne, alcools forts).
- Les piments forts et les plats épicés.
- Les aliments et les jus très acides (plusieurs fruits, mais surtout les agrumes et les tomates).
- Certains fruits et légumes : fèves, haricots, ananas, agrumes, banane, rhubarbe...
- La plupart des noix.
- Les viandes et poissons fumés, le tofu.
- Les édulcorants de synthèse, les conservateurs et additifs alimentaires.
- Le vinaigre (et les alimentes marinés dans du vinaigre), la moutarde, la sauce soya.
Tandis que le jus de canneberge est recommandé pour traiter et prévenir les infections urinaires (cystites bactériennes), il peut aggraver les symptômes de la cystite interstitielle. Mieux vaut donc éviter d’en consommer.
Des conseils de l’Association de la cystite interstitielle du Québec
- Privilégier les aliments dans leur forme la plus naturelle possible. Les fruits et les légumes devraient idéalement provenir de cultures biologiques.
- Bien s’hydrater. Les personnes atteintes de cystite interstitielle peuvent avoir tendance à boire peu pour aller moins souvent aux toilettes. Or, cela a pour effet de concentrer l’urine et d’accentuer les douleurs. Il est souhaitable de boire 2 litres d’eau (ou autre) tout au long de la journée. Une bonne hydratation aide en outre à prévenir la constipation qui accentue les douleurs.
- Employer une eau non chlorée. Un moyen simple pour déchlorer l’eau du robinet est de laisser reposer l’eau pendant une douzaine d’heures sur le comptoir ou au frigo avant de la boire. Une autre solution consiste à filtrer l’eau du robinet. La plupart des filtres à eau réduisent la teneur en chlore
Psychothérapie
La cystite interstitielle, à cause des douleurs qu’elle engendre et l’envie incessante d’aller aux toilettes, nuit énormément à la qualité de vie des personnes atteintes. Tous les domaines de la vie peuvent en pâtir, de l’emploi aux loisirs en passant par la vie de couple et de famille. Une psychothérapie peut aider à faire en sorte que les souffrances physiques n’occupent pas toute la place. La psychothérapie procure un soutien émotif important, permet d’apprendre à gérer la douleur et le stress et contribue à résoudre des difficultés relationnelles, etc. La recherche active de stratégies pour atténuer les symptômes en est souvent facilitée.
Neurostimulation électrique transcutanée (TENS)
Ce traitement est surtout utilisé lorsque les symptômes prédominent durant la nuit. La neurostimulation électrique transcutanée se fait à l’aide d’un appareil génèrant un courant électrique de faible tension. Cet appareil est relié à des électrodes apposées au bas du dos, au pubis, dans le rectum ou dans le vagin. Chez certaines personnes, le TENS réduit la douleur et la fréquence des mictions. Il le ferait peut-être en accroissant le flux sanguin à la vessie, en renforçant les muscles de la vessie ou en provoquant la libération de substances antidouleur naturelles.
Interventions chirurgicales
En dernier recours, si les douleurs sont très intenses et qu’aucun traitement oral ou intravésical ne les soulage, des interventions chirurgicales peuvent être proposées.
Hydrodistension vésicale. Cette procédure consiste, sous anesthésie générale, à remplir la vessie deliquide physiologique (eau stérile légèrement salée) pour la « gonfler », comme au moment de l’examen diagnostic. Cela soulage temporairement les symptômes chez près de la moitié des personnes atteintes20. L’effet bénéfique peut durer plusieurs mois. Cependant, la procédure devient de moins en moins efficace au fil du temps (on parle d’accoutumance).
Neurostimulation du nerf sacré. Cette technique consiste à stimuler le nerf sacré de manière continue par un léger courant électrique. Le nerf sacré, situé dans le bas du dos, contrôle les muscles de la vessie. Le fait de le stimuler permet, chez certaines personnes, de réduire l’urgence urinaire et la fréquence des mictions, et parfois de diminuer la douleur. Si le traitement fonctionne, un boîtier est implanté de façon permanente sous la peau, vers le haut de la fesse.
Ablation de la vessie. Si aucun traitement ne permet d’atténuer les symptômes, une ablation totale ou partielle de la vessie peut être réalisée en ultime recours. Il s’agit d’une intervention lourde, envisageable uniquement chez des personnes qui ont préalablement été prises en charge en clinique de la douleur et qui n’ont pas eu les résultats espérés et ne supportent plus de souffrir. L’ablation de la vessie est le plus souvent partielle, et le chirurgien procède ensuite à un agrandissement de la vessie restante en y greffant un fragment d’intestin (entérocystoplastie). Cette intervention permet de réduire la fréquence des mictions, mais la douleur peut persister chez une minorité de personnes. Dans ces cas, une ablation totale de la vessie (cystectomie) peut être envisagée. Cette intervention nécessite la mise en place d’une poche externe qui recueille l’urine (stomie).
Enfin, les ulcères de Hunner, s’ils sont présents, peuvent être traités par laser. Ce traitement semble soulager les symptômes.
Quelques conseils pour soulager la douleur
- Se coucher sur le dos et plier les genoux contre la poitrine.
- Placer un sac de glace ou de la chaleur sur le bas-ventre, selon la préférence. Prenez un bain chaud, si la chaleur soulage.
- Après avoir consommé un aliment ou essayé un plat entraînant des symptômes, boire un verre d’eau dans lequel se trouve dilué 1 cuillère à café de bicarbonate de soude. Le bicarbonate de soude rend l’urine moins acide.
Attention. Les personnes cardiaques, souffrant d’hypertension artérielle ou d’un autre problème de santé pouvant être influencé par l’apport en sel doivent consulter leur médecin avant de prendre du bicarbonate de soude, car celui-ci a une teneur élevée en sel.- Pour réduire la douleur durant les relations sexuelles, ces quelques moyens pourraient aider : avant et après la relation sexuelle, appliquez de la chaleur ou du froid sur la région pelvienne (une bouillotte de type « sac magique » peut faire l’affaire) et, durant la relation sexuelle, utiliser un gel lubrifiant hydrosoluble et trouver les positions qui sont moins douloureuses.
Références
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Alain Ruffion Urologie Lyon-Sud. 2011